Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
27 mai 2012 7 27 /05 /mai /2012 15:17

Après la vente de Business Objects à SAP (Allemagne), celle de Price Minister à Rakuten (Japon), celle de LaCie à Seagate (USA) vient d'être annoncée : tous les domaines de la « high-tech » française semblent touchés par le même syndrome ; que cela soit dans l'édition de logiciel (Business Objects), le commerce électronique (Price Minister) ou les équipements informatiques (La Cie), les fondateurs de ces belles entreprises, après 10 à 20 ans de développement, optent pour la vente à un groupe étranger, souvent leader mondial dans leur domaine.

 

Que des leaders mondiaux soient intéressés par ces entreprises est en soi bien flatteur ! Mais cela nous interpelle plutôt sur l'enjeu important qu'elles constituent dans la compétition internationale. A plusieurs reprises, j'ai fait remarquer sur ce blog le désintérêt apparent que semble caractériser l'attitude des politiques quant à ce syndrome. Ils sont sans doute beaucoup trop occupés par l'extinction des incendies en cours comme la sauvegarde de l'emploi dans les entreprises en déshérence. C'est sûrement beaucoup plus compliqué et moins compréhensible pour les électeurs de cultiver un environnement, un ecosystème, tel que les ETI francaises de « high tech » ne disparaissent pas toutes les unes après les autres.

 

Les dirigeants de ces sociétés mises en vente, racontent chaque fois la même histoire aux employés, aux actionnaires, à leurs partenaires, clients et fournisseurs, et au public : ils évoquent à la fois les capacités et les ressources du groupe acheteur qui permettront à leur entreprise de poursuivre son développement dans le monde entier et de s'ouvrir de nouveaux marchés, la complémentarité des produits et le renforcement de l'offre ; s'y ajoutent parfois d'autres arguments comme les possibilités d'évolution de carrière des employés dans le nouveau groupe et l'avantage pour eux d'être adossés à un groupe plus important.

 

LaCie

 

Fondée en 1989 par Philippe Spruch, son dirigeant actuel et actionnaire majoritaire à hauteur de 64,5%, LaCie s'est spécialisée dans la conception et la commercialisation de systèmes de stockage de données informatiques pour le grand public et les entreprises. Je suis certain que la plupart d'entre vous possède un ou plusieurs disques durs LaCie sur son bureau pour stocker gros fichiers et sauvegardes. Dès 1992, LaCie a fait appel à des designers pour créer des produits avec une esthétique distinctive et une image de haute qualité. Elle a deux sites de production en France et en Oregon.

 

Ses ventes 2011 se montent à 267 millions € avec un résultat net de 10,6 millions €, dont 53% en Europe-Moyen Orient-Afrique, 32% en Amérique et 15% en Asie-Pacifique, à travers des bureaux dans 15 pays différents et avec 475 employés. C'est donc une belle ETI de laquelle tout le monde et notamment nos politiques espèrent tirer la croissance de demain.

 

Jusqu'ici, l'image semble rose. Mais, comme chacun sait, le marché du stockage de données est hyper compétitif avec une croissance effrénée des tailles mémoire, un coût du gigaoctet et maintenant du teraoctet (1000 milliards d'octets) de mémoire en chute libre et une taille toujours plus réduite des produits. Cela explique sûrement en partie la baisse continue des ventes en € de LaCie depuis 2008, passant de 390 millions à 267 millions en 2011. LaCie a réussi à maintenir chaque année un résultat net positif, mais cela a probablement été au prix d'une carence des investissements. Cette situation, ainsi que le fait qu'il n'y a aucun site de production en Asie et que les ventes en Asie sont faibles à 15% du total, rend à coup sûr l'entreprise fragile face à une concurrence féroce venant de ces pays dans le domaine des matériels informatiques. L'entreprise a commis une erreur stratégique il y a longtemps, en n'établissant pas un centre de conception et de production en Asie, là où la concurrence la plus sévère conçoit et produit et où maintenant, le marché croit le plus vite. Au lieu d'aller en Oregon, il fallait aller au moins à TaiWan, à HongKong ou en Chine continentale.

 

L'autre symptôme marquant est le fait que le fondateur ait toujours le contrôle avec 2/3 du capital et qu'il n'y aucun autre actionnaire avec plus de 5%. Cela signifie qu'il n'a pas souhaité faire entrer d'autres investisseurs significatifs et ouvrir largement le capital, qu'il a géré la croissance de l'entreprise par autofinancement dans un domaine où atteindre rapidement une taille et une envergure mondiale est essentiel pour assurer la survie à terme. En gros et c'est l'impression que donne la société vue de l'extérieur, c'est une grande bande de copains où on se fait plaisir en réalisant de beaux produits, innovants et positionnés haut de gamme. Mais dans ce domaine, il est difficile de justifier le luxe ! En grandissant plus vite avec des partenaires exigeants, cette culture risquait fort d'être affectée.

 

Tout cela combiné à un marché toujours difficile, surtout depuis 2008, a conduit le dirigeant à décider de vendre à Seagate, qu'il connait intimement depuis bien longtemps, cette dernière étant très certainement son premier fournisseur de disques durs nus. L'offre de Seagate valorisant l'entreprise à 146 millions € soit 14 fois le résultat net de 2011 et 29% au-dessus du dernier cours de Bourse sera difficile à refuser par les petits actionnaires.

 

Malheureusement avec l'annonce de la vente à Seagate, je crains que cette belle histoire se termine plutôt mal ; pas tout de suite bien sûr. Comme toujours, l'acheteur s'engage à garder la marque, les équipes de création et de développement et prétend s'appuyer sur l'image de LaCie pour développer mondialement la niche des produits de stockage pour le grand public. Mais le centre de décision part de France et très vite les impératifs de cette industrie qui va à plus de 200 à l'heure, prendront le dessus, le savoir-faire sera transféré ailleurs, là où se trouve la croissance du marché et les coûts les plus bas.

 

Mes lecteurs se demanderont quelle solution aurait pu être proposée au dirigeant conscient que la taille de LaCie et son manque de ressources propres étaient devenus un problème majeur. On peut imaginer un partenariat avec des entrepreneurs comme Xavier Niel, Free développant des produits autour des disques durs ou avec Bull qui se positionne sur les systèmes informatiques haute performance. Se sont-ils rencontrés ? Auraient-ils pu s'entendre ? On ne le saura sans doute jamais.

Partager cet article
Repost0
29 avril 2012 7 29 /04 /avril /2012 13:24

La croissance de notre économie est de nos jours un enjeu important. Il apparaît de plus en plus que cette croissance viendra du dynamisme des petites et moyennes entreprises, PME et ETI, qu'elles soient de création récente ou non. Pour croître, une entreprise a besoin de ressources financières ; et plus elle croit rapidement, plus ses besoins sont importants.

Quelles sont ces ressources ? Selon une enquête réalisée par OSEO et NYSE-Euronext début 2012 auprès de plus de 1000 entrepreneurs, le crédit bancaire vient largement en tête avec 53% des financements, suivent le capital-investissement (risque et développement) avec 21%, la levée obligataire (emprunts en Bourse) avec 5% et la levée de capitaux en Bourse avec 2%, 10% des répondants n'envisageant pas de financement externe et les 9% restant utilisant d'autres ressources.

 

Or que se passe-t-il en ce moment ? Avec la mise en place des règles de Bâle III qui sont censées réduire le risque de faillite des banques et qui sont plus contraignantes en les obligeant à mettre en réserve plus de capitaux pour garantir les prêts qu'elles accordent, les conditions d'accès au crédit moyen et long terme deviennent plus difficiles. L'aversion au risque des banques est plus marquée et elles peuvent être amenées à réduire le montant global des crédits accordés. Mécaniquement, les ressources disponibles pour les entreprises seront moins importantes, avec potentiellement un impact négatif sur leur croissance. Les chefs d'entreprise en sont conscients et plus de la moitié d'entre eux ont prévu lors de l'enquête d'OSEO, que leurs sources de financement seraient en baisse en 2012.

 

Mutualiser les emprunts sur le marché boursier


Heureusement, de nouvelles solutions apparaissent sur le terrain des emprunts : des PME et ETI se regroupent pour emprunter ensemble sur le marché boursier, sous la houlette de gestionnaires d'investissement et de professionnels de la Bourse. Le mécanisme est à deux étages : les entreprises émettent des obligations qui sont achetées par un Fonds Commun de Placement (FCP) créé pour ces émetteurs et qui est souscrit en Bourse par des investisseurs et coté sur Alternext.

Le prototype de ce type de financement est Micado France 2018, lancé actuellement par Investeam, Accola et Portzamparc Gestion en collaboration avec Middlenext, association regroupant les entreprises moyennes cotées en Bourse. Les promoteurs de Micado sélectionnent les sociétés émettrices sur la qualité de leur signature et visent une palette diversifiée de secteurs. L'objectif est de rassembler une vingtaine de sociétés émettant chacune entre 5 et 20 millions € d'obligations pour un total de 300 millions €.

 

Les obligations ont de nombreux avantages par rapport aux emprunts bancaires :

- pour les sociétés émettrices, cela les met relativement à l'abri du risque de changement brutal des conditions de crédit de la part des banques, elles peuvent bénéficier des taux - surtout actuellement, plus intéressants sur le marché (entre 5 et 8%, pour une moyenne de 6% selon Portzamparc)

- pour les investisseurs, ils peuvent diversifier leur portefeuille d'obligations hors des obligations d'Etat et des grandes entreprises ; ils peuvent revendre leurs parts sur le marché secondaire du FCP ; et selon les promoteurs, même en cas de plusieurs défauts, le rendement est plus élevé que pour les obligations d'Etat (OAT) ; enfin, pour certains, il s'agit d'un investissement « citoyen », permettant de miser sur le développement des entreprises petites et moyennes.

L'inconvénient pour les émetteurs, est qu'ils doivent communiquer sur leur intention d'émettre, sur leur situation financière et leurs perspectives, ce qu'ils n'ont pas l'habitude de faire : auparavant l'information n'était donnée qu'au banquier. Pour les investisseurs, il s'agit aussi d'une évolution des obligations «corporate» des grandes entreprises au profil simple et auquel ils sont habitués, vers un produit au profil diversifié, lié à un panier d'entreprises de plus petite taille, qui ne sont pas notées. En théorie, le risque est plus élevé mais c'est compensé par la diversité du portefeuille du FCP.

 

A ce jour, nombre de sociétés ont annoncé leur intention de participer à Micado : Aurea, Groupe Gorgé, Business Et Décision, Avanquest Software, Manitou, Orapi, Quantel, Delta Plus et Touax.

Il semble que le FCP puisse être bouclé d'ici fin juin 2012.

 

Bonne chance à cette initiative innovante qui mérite d'être développée ! On notera au passage que le même type d'initiative a été lancé en Angleterre et en Allemagne. C'est tout à fait en phase avec la tendance actuelle qui est de mettre  en relation les acteurs du financement d'une manière plus directe, dans la même ligne que le micro-crédit en ligne, les fonds d'investissement d'entrepreneurs ou les prêts directs de particulier à particulier. On voit qu'il s'agit pour beaucoup d'intermédiaires, notamment bancaires, de réinventer leur métier, sinon, ils pourraient laisser partir de grands pans de leur fonds de commerce.

Partager cet article
Repost0
23 avril 2012 1 23 /04 /avril /2012 09:10

La rédaction du journal Les Echos vient de décerner son prix spécial du stratège PME à Jean-Guy Le Floc'h, PDG d'Armor-Lux. Armor-Lux est un acteur un peu exceptionnel dans le paysage désertifié de la confection textile française : elle continue de fabriquer en France, à Quimper et à Troyes, des tee-shirts, des pulls, des cabans, des bonnets et d'autres vêtements qui la distinguent par leur inspiration marine.

Fondée en 1938 à Quimper par le suisse Walter Hubacher sous le nom de la Bonneterie d'Armor, elle est reprise en 1993 par Jean-Guy Le Floc'h, ingénieur de Centrale Paris, et Michel Gueguen, qui ont promis aux employés de l'époque qu'ils maintiendraient leur emploi. Ils ont tenu parole : il y a toujours 380 salariés dans les deux usines de Quimper et 40% de la fabrication est réalisée en France, essentiellement les deux collections de 1500 modèles qui sortent chaque année. Pour rester compétitif sur les produits courants, ces derniers sont fabriqués par des sous-traitants au Maroc, en Tunisie et en Bulgarie.

 

Le challenge dans ce domaine de la confection est particulièrement difficile : 60% à 90% du coût des produits sont en main d'oeuvre et les coûts horaires sont de 0,31 € au Bangladesh, 1,60 € en Chine, 2,90 € au Maroc et 30 € en France … Comment Armor-Lux s'en sort-elle ?

 

D'abord un élément important : lors de la reprise, et par la suite, notamment lors de l'institution des 35h, les dirigeants se sont efforcés de maintenir la cohésion sociale et la pérennité de l'emploi, parfois au prix de baisses de rémunération.

 

En 1993, le chiffre d'affaires était de 19 M€ essentiellement avec des sous-vêtements. Selon J-G. Le Floc'h, « alors que se profilait un début de mondialisation accrue, il était nécessaire d'élargir le périmètre de l'entreprise. Heureusement, nous avons eu le temps de changer de fonctionnement. » Afin d'effectuer cette évolution de la gamme des produits, il a multiplié les rachats d'entreprises : les pulls en laine de Guy de Bérac à Troyes dès 1993, les pulls celtes de Britain Stock en 1995, les vêtements techniques de protection de Bermudes à Nancy en 2002, Cam (Compagnie angevine de la maille) et Diftex en 2004 (marques Chairman, Lepoutre et Tricomer). En parallèle, des gammes associées à de nouvelles marques sont lancées : Terre et Mer s'adressant aux femmes en 1994, Armor-Kids pour les 3-14 ans en 1997, Armor-Baby pour les 3-24 mois en 1999, puis en 2005 des produits en coton équitable

labellisés Fairtrade / Max Havelaar.

L'accent est mis sur la créativité et l'innovation-produit, passant de 300 à 400 nouveaux modèles par an au milieu des années 90, à 1500 par an aujourd'hui, grâce à un bureau d'études de 30 personnes et la collaboration de stylistes extérieurs.

 

Une nouvelle diversification a été introduite en 2004 avec les vêtements d'image pour les grandes entreprises et les services publics : La Poste confie à Armor-Lux l'habillement de ses 130.000 agents en contact avec la clientèle ; puis en 2007, ce sont les nouvelles tenues des personnels de la SNCF et Aéroports de Paris et en 2008, celles de la Police nationale. Armor-Lux a eu aussi pour clients la compagnie aérienne Bretonne Brit Air ou encore EDF. Et derniers en date, pour la campagne présidentielle, les parties politiques, le Modem, l'UMP et le PS ont commandé les tee-shirts en coton de leurs militants, qui ont été tricotés, teints et confectionnés à Quimper.

 

En aval, Armor-Lux a cherché à renforcer son image auprès du grand public et la promotion de ses produits en multipliant les ouvertures de magasins en propre dans toute la France. Ces boutiques sont maintenant au nombre de 40 dont la moitié en Bretagne, réalisant des ventes de 25 M€. La montée en gamme et l'identification forte avec le monde marin et de la voile, permet le développement de l'exportation en Belgique, Allemagne, Amérique du Nord et au Japon (5M€ en 2011).

 

Un effort particulier est mis sur la qualité, en particulier en pratiquant un audit permanent des fournisseurs et sous-traitants dans les pays émergents : Inde, Maghreb, Europe de l'Est. Des investissements importants ont été réalisés, notamment la nouvelle usine de production et de logistique à Quimper qui assure les livraisons directes de vêtements d'image sur les sites de travail des clients.

 

Il y a maintenant 550 salariés dans le groupe et le chiffre d'affaires 2011 a été de 82 millions € (comparé à 19 millions € en 1993) avec 5 millions € de résultat net : une multiplication par 4,3 des ventes en 18 ans de marche forcée, dans un secteur « sinistré » ; tout ceci grâce à un cocktail stratégique composé de : l'élargissement et la montée en gamme de produits sans cesse renouvelés, l'investissement dans l'image et la distribution, l'amélioration des capacités de production en France et le recours sélectif à des sous-traitants dans les pays à bas coûts.

 

Il est certain que, pour Armor-Lux, le gros potentiel réside maintenant à l'international. Une toute nouvelle ligne haut de gamme « héritage » vient d'être lancée, destinée à ces marchés. J-G. Le Floc'h n'a pas dévoilé ses objectifs lors de la remise du prix des « Echos ». Mais on peut imaginer qu'il vise un doublement des ventes en dix ans grâce à l'international. A quand l'ouverture d'un magasin à New York, à Newport (Rhode Island), à San Diego, …. à Tokyo et pourquoi pas à Shanghaï et à Pékin ?

 

Et pour conclure, les deux associés J-G. Le Floc'h et Michel Gueguen qui détiennent 74% du capital, ont récemment annoncé qu'ils n'avaient pas l'intention de céder leur affaire, que deux de leurs enfants sont impliqués dans Armor-Lux, et qu'ils feraient en sorte que le groupe reste familial.

 

* ETI : entreprise de taille intermédiaire entre PME et grande entreprise, 250 à 4999 salariés.

Partager cet article
Repost0
31 mars 2012 6 31 /03 /mars /2012 21:29

La déconfiture de SeaFrance a fait la une des médias ; après une longue agonie, cette filiale de la SNCF a été mise en liquidation le 9 janvier 2012. On remarquera que LD Lines qui a candidaté sans succès à la reprise de SeaFrance, a démarré une nouvelle ligne Calais-Douvres le 17 février. Le vide laissé par SeaFrance, a été vite comblé. LD Lines qui est une compagnie bien gérée, a sûrement étudié cette ouverture avec soin et saura, mes lecteurs peuvent en être certain, la maintenir rentable. Le désastre SeaFrance est à l'évidence due à une gestion calamiteuse qui a été mis en exergue il y a quelque temps sur ce blog.

 

Le dossier SeaFrance à peine sorti, voilà que s'est pointé le 31 janvier, le dépôt de bilan d'une autre (ancienne) filiale de la SNCF : Sernam, spécialisée dans le transport de colis, avec 1600 salariés et un chiffre d'affaires de 298 millions € en 2011. Cette semaine, le sursis avant la liquidation a été prolongé jusqu'au 10 avril par le tribunal de commerce de Nanterre, dans l'attente improbable que Bruxelles autorise Geodis, une autre filiale de la SNCF, à reprendre Sernam sans avoir à payer les 642 millions € que cette dernière doit à la SNCF.

En effet en 2005, la SNCF a « privatisé » Sernam en la cédant aux cadres dirigeants. Butler Capital Partners est venu en 2006 renforcer l'attelage (Butler joue vraiment les pompiers pour les entreprises publiques en déshérence, puisqu'on se rappellera qu'en 2006, avec Veolia, elle a repris la SNCM, elle aussi ancienne filiale de la SNCF).

Avant la cession, la SNCF a versé 642 millions € à Sernam. Maintenant, la commission européenne demande que Sernam rembourse cette somme, qui est considérée comme une aide d'Etat, donc une infraction à la concurrence. Geodis, si elle reprend Sernam, risque d'avoir à payer cette amende … Sernam ne disposant maintenant d'aucune trésorerie, on constatera que les 642 millions se sont évaporés en six ans ; on peut se demander comment ?

Bien sûr, on sait qu'avec le commerce électronique en croissance exponentielle, le transport de colis explose. Et pourtant Sernam semble incapable d'en profiter ...

 

Et de trois ! Novatrans, une autre filiale de la SNCF, spécialisée dans le ferroutage ou transport combiné rail-route – c'est-à-dire l'acheminement de remorques de poids lourds sur les trains, est elle aussi en grandes difficultés. Selon Les Echos, elle a perdu 35 millions € en 2010, et à nouveau 22 millions en 2011. La SNCF a dû augmenter son capital de 60 millions €. Deux solutions seraient envisagées : céder cette filiale (peut–être à un fonds comme Butler ? Qui exigera bien sûr une importante recapitalisation) ou recapitaliser à nouveau à hauteur de 50 millions € d'ici fin 2012. Jusqu'à quand cette hémorragie va-t'elle continuer ?

 

En parallèle, il ne faut pas oublier que la filiale fret de la SNCF n'en finit pas de se redresser face à une concurrence dont les coûts sont bien moins élevés et … continue à perdre de l'argent.

 

Heureusement, tout n'est pas noir ! Il paraît que Keolis, la filiale de transport urbain dont la SNCF possède 56,7%, va bien. Les résultats 2011 sont bons : chiffre d'affaires de 4,44 milliards € en hausse de 8% avec 2 milliards à l'international et un (petit) résultat net de 37 millions €. Elle a gagné plusieurs appels d'offre de DSP (délégation de service public) de transport en 2011 : Aix-en-Provence, Orléans, Metz, Epinal, et d'autres en Australie et en Angleterre ! Il est très probable que les autres actionnaires de Keolis, AXA Private Equity et la Caisse de dépôt et placement du Québec, veillent à ce que sa culture compétitive soit préservée.

 

On peut être certain que les dirigeants de la SNCF surveillent avec attention ce que fait la Deutsche Bahn dont le patron actuel, Rüdiger Grube affiche de grandes ambitions : doubler son chiffre d'affaires d'ici à 2020. Avec un résultat net de 1 milliard € en 2010 et 1,3 milliards € en 2011, un chiffre d'affaires en croissance de 10%, à 38 milliards €, la Deutsche Bahn a probablement des moyens solides. Le chiffre d'affaires de la SNCF a lui progressé de 7% à 33 milliards € en 2011, avec un résultat net de 125 millions €.

Mais les deux entreprises souffrent d'une dette élevée : 8,3 milliards € pour SNCF et 16,6 milliards € pour Deutsche Bahn, qu'elles ont grand mal à contrôler ; heureusement que les taux d'intérêt sont bas ! Cette dette élevée va sûrement être un frein à leurs ambitions. Tout ce qu'on peut espérer, c'est que ces entreprises poursuivent leurs efforts de compétitivité tout en améliorant le service, parce que la concurrence dans le transport en Europe ne va pas disparaître demain.

Partager cet article
Repost0
26 mars 2012 1 26 /03 /mars /2012 14:26

L'étude des cessions-transmissions d'entreprises publiée par la BPCE (groupe Banques Populaires - Caisses d'Epargne) en décembre 2011, s'est fixée pour objectif une analyse exhaustive et précise des opérations réelles effectuées en France en 2010.

Elle a ainsi identifié un total de 12 315 opérations dans lesquelles l'actionnariat principal d'une entreprise aurait changé. Il s'agit de 5,9% du total des 202 755 PME de 10 à 249 employés et des 4 888 ETI (250 à 4 999 employés) du « secteur marchand » (non agricole et non financier) soit de 207 643 entreprises – pour en savoir plus sur la classification des entreprises.

 

Ce résultat diffère largement des chiffres fréquemment cités de l'ordre de 4 000 à 6 500 selon les auteurs. La BPCE fait remarquer avec raison que ces derniers chiffres ne sont que des estimations fondées sur des échantillons peu représentatifs et des hypothèses comme l'idée que la majorité des cessions serait motivée par l'âge du dirigeant ou encore que les entreprises en difficulté seraient toutes vouées à disparaître. Or il s'avère que les modalités de cession sont d'une très grande variété, ce qui rend les extrapolations très imprécises.

 

L'étude a exploité plusieurs bases de données : Infolégale, Corpfin, INSEE, « Associés » d'Altarès, Fiben de la Banque de France et en a croisé les informations pour obtenir la répartition suivante : 

  • 6 469 cessions de société opérationnelle

  • 583 cessions de holding

  • 417 changement d’actionnaire principal du holding

  • 1596 changement d'actionnaire principal

soit un total de 9 065 cessions ; à ce total, il faut ajouter :

  • 1 635 changements de dirigeant intrafamilial soit 0,8% de l'ensemble des PME et ETI et 14% de l'ensemble des cessions-transmissions

  • 1 615 changements de dirigeant actionnaire

Un total de 6 200 disparitions d'entreprise ont été répertoriées dont 2 694 par la voie judiciaire et 3 506 par « mort naturelle » soit 3% de l'ensemble des PME et ETI.

 

Plus l'entreprise est importante, plus elle change souvent de main

 

Selon l'étude, les cessions affectent plus souvent les entreprises de tailles plus importantes. Ainsi en 2010, 18% des ETI ont changé de main alors que la proportion est de 4,3% seulement pour les PME de 10 à 19 salariés. Cela signifierait un changement d'actionnaire principal tous les 6 ans pour les ETI et tous les 23 ans pour les petites PME. C'est bien sûr compréhensible pour les ETI, l'actionnariat étant plus dispersé avec une présence notable des fonds d'investissement ; ne doit-on pas s'en inquiéter : un changement d'actionnaire principal ne conduit-il pas généralement à un changement de stratégie ? La clef d'une croissance à long terme ne réside-t'elle pas dans la poursuite et le maintien de stratégies cohérentes et stables ? Ne voit-on pas là une des raisons du déficit de la France par rapport à l'Allemagne dans cette catégorie d'entreprise (le Mittelstand) ; en Allemagne, les ETI sont très souvent détenues par une famille, ce qui constitue un actionnariat stable et de long terme et conduit à la poursuite durable de stratégies de développement et d'investissement, en particulier à l'international ?

Les petites PME, elles sont souvent détenues par leur(s) fondateur(s) qui en poursuit le développement pendant de nombreuses années, ce qui se traduit naturellement à une bonne stabilité de l'actionnariat.

Il est observé également qu'une entreprise détenue par une personne morale a 2 fois plus de chance d'être cédée que si elle est détenue par une personne physique (11,2% contre 6,1%). Ceci est évidemment cohérent avec le phénomène de taille, les grosses PME et ETI étant plus souvent détenues par des personnes morales.

 

Près de 60% des cessions interviennent avant 55 ans !

 

Cet étude met à mal une hypothèse qui circule depuis longtemps dans les ministères, l'administration et dans les media : que les cessions seraient liées au départ à la retraite des dirigeants.

Selon l'étude, le rôle de la cession dans le cycle de vie des PME s’est profondément transformé ces dernières années. D’une opération intervenant pour l’essentiel en fin d’activité professionnelle, elle est devenue tout autant une opération technique d’ajustement du portefeuille d’activités ou de la gouvernance de l’entreprise ou bien une décision de modifier le type d’activité professionnelle du cédant ; la transmission en fin de vie active ne joue pas un rôle plus important que la réorientation de l’activité.

Il est remarquable de constater que le taux des transmissions est de 2,9%, 3,3% et 3,4% pour les dirigeants âgés respectivement de 35-40 ans, 55-59 ans et plus de 60 ans ! On doutera au passage de l'intérêt et de l'efficacité de la mesure fiscale qui réduit l'impôt sur les plus-values de cession dans les 2 ans précédant et suivant le départ à la retraite. Manifestement, elle n'a que très peu d'impact sur le comportement des dirigeants ou, vu sous l'angle inverse, très peu de dirigeants en bénéficient. Comme pour de nombreuses mesures, cela ressemble à un coup d'épée dans l'eau qui manque son but, sans qu'on sache même vraiment quel est ce but.

Par contre, ce qui est certain, est qu'un dirigeant qui cède entre 35 et 50 ans et se retrouve imposé à l'ISF (tant qu'il détenait plus de 25% de son entreprise, il était exonéré) sera souvent tenté d'aller ailleurs qu'en France pour démarrer une nouvelle activité, créer une autre entreprise ou établir son fond d'investissement familial ou personnel. Naturellement, le rapport se garde bien d'identifier la proportion de dirigeants qui ont pu faire ce choix en 2010.

 

La BPCE enquête sur l'intention de céder

 

L'institut CSA a effectué une enquête pour BPCE en juillet et septembre 2011 auprès de 1480 dirigeants de PME de 10 à 249 salariés sur leurs intentions de céder dans les deux ans et en a comparé les résultats avec une enquête semblable réalisée en décembre 2006. Sachant par expérience qu'il y a souvent un très grand pas entre l'intention de céder et la cession effective, c'est l'évolution des intentions qui paraît le plus intéressante. La proportion de dirigeants ayant l'intention de céder sous deux ans est passée de 18% à 24% en 5 ans et ceci est constaté dans toutes le tranches d'âge. Dans la plupart des tranches d'âge jusqu'à 60 ans, la progression est de 2 à 5 points. Au-delà de 60 ans, le taux est passé de 36% à 49%. En parallèle on constate une baisse de la proportion de dirigeants de moins de 40 ans, de 20% en 2004 à 15% en 2011. Le rapport indique que cela peut résulter d'un environnement économique et de perspectives de pérennité de l’affaire beaucoup plus tendus dans le contexte actuel qu’en 2006.

En fait, c'est probablement plus que le simple environnement économique qui pousse plus de dirigeants à céder ; ne serait-ce pas aussi un environnement règlementaire de plus en plus contraignant, un environnement fiscal toujours plus instable et, un certain découragement qui en résulte pour beaucoup d'entrepreneurs.

 

 

Partager cet article
Repost0
11 mars 2012 7 11 /03 /mars /2012 19:40

Par bien des aspects, Eurofins est une entreprise de croissance idéale, telle qu'on en aimerait voir se multiplier dans le paysage industriel français.

 

Son fondateur, Gilles Martin a à son actif, la création d'Objectifs Maths avec Hervé Lecat dès sa première année à l'Ecole Centrale Paris. Cette société proposait un soutien scolaire aux élèves en difficulté par des étudiants en Grandes Ecoles. Aux Etats-Unis où il effectue un service VSNE, il travaille au sein d'une start-up qui développe des logiciels d'imagerie médicale en résonance magnétique nucléaire (RMN). A son retour en 1987, il fonde Eurofins en rachetant les droits d'un procédé d'analyse RMN des produits, découvert dans les labos de l'université de Nantes par ses parents. Ce procédé permettait de déterminer les composants avec lesquels les vins ont été fabriqués puis a été étendu aux jus de fruit et autres boissons non alcoolisées.

 

A partir de 1997, Eurofins a fait l'acquisition de laboratoires d'analyse, dotés de technologies et d'un savoir-faire uniques tout en s'implantant dans de nouveaux pays. Ce développement a été financé notamment par une introduction au Nouveau Marché en 1997 et au Neuer Markt en 2000, Gilles Martin et sa famille conservant le contrôle. En 2000, Eurofins avait 1000 employés, 30 laboratoires dont 2/3 en Europe et un chiffre d'affaires de 60 millions €. L'offre s'est considérablement élargie dans trois métiers : analyses alimentaires, pharmaceutiques et environnementales et sur des niches clés comme l’information génomique et l’analyse des contaminants.

 

Dans les années 2000, Eurofins a poursuivi une stratégie d'intégration des laboratoires, visant à améliorer sa compétitivité, tout en combinant croissance organique et acquisitions ciblées. Avec plus de 10 000 employés, 150 laboratoires dans 30 pays en Europe, en Amérique et en Asie, Eurofins a réalisé en 2011 un chiffre d'affaires consolidé de 829 millions € et un bénéfice net de 57 millions €. Le portefeuille du groupe est riche de plus de 100 000 méthodes d'analyse.

 

Le projet est de poursuivre la croissance en s'appuyant sur ce portefeuille, en l'élargissant, sur l’accroissement des ventes croisées entre laboratoires à l’intérieur du groupe et sur l'ouverture de nouveaux laboratoires en Chine et en Asie. Le groupe souhaite devenir le numéro un mondial des services bio-analytiques.

 

Le déménagement du siège à Luxembourg

 

Le 2 mai 2007, la société holding du groupe Eurofins Scientific dont le siège est à Nantes, s'est transformée de société anonyme en société européenne. Le groupe est déjà organisé en sociétés holding par branche d'activité, avec siège au Luxembourg. Lors de l'assemblée générale des actionnaires du 11 janvier 2012, une majorité de près de 85% s'est prononcée pour le transfert du siège à Luxembourg. Un seul actionnaire minoritaire ayant demandé le rachat de 316 actions à 63 €, le conseil d'administration du 2 mars 2012 a donné le feu vert à l'opération.

 

Pourquoi ce déménagement ? Le groupe souhaite tranquilliser tout le monde en indiquant que les laboratoires situés à Nantes qui emploient plus de 500 personnes, vont y rester et que Nantes reste le siège des activités françaises. Eurofins reste cotée sur le marché boursier de Paris. Le communiqué de la société du 17 janvier 2012, souligne que les objectifs sont de renforcer l'intégration juridique et financière du Groupe et d'améliorer son organisation et sa compétitivité. Selon Les Echos, Gilles Martin aurait déclaré que le déménagement est prévu parce que « le centre de gravité économique du groupe s'est déplacé progressivement vers l'Europe du Nord. » Ce que dit Gilles Martin est bien sûr vrai avec des ventes 2011 réparties entre France : 18%, Allemagne : 21%, Europe du Nord : 18%, Benelux : 9% et UK+ Irlande : 6% du total. Il ne serait pas « motivé par des raisons fiscales ou de droit des sociétés plus favorables aux actionnaires majoritaires au Luxembourg. » En fait, l'intégration des holdings de branches d'activité avec la holding de tête dans le même pays, permet sûrement de simplifier les obligations de l'ensemble vis à vis des services fiscaux. Déjà au départ, Eurofins a choisi de longue date d'établir ses holdings de branche à Luxembourg, visant une réduction des coûts administratifs et juridiques. La cerise sur le gâteau sera une diminution des charges patronales pour les employés du siège et une réduction du taux de TVA ; mais ce sont a priori des économies marginales. Ce transfert permet au groupe de s'affranchir de l'instabilité fiscale qui est une maladie française chronique, avec des instructions de plusieurs centaines de pages chaque fois qu'une nouvelle mesure est mise en place par les technocrates de Bercy, qu'il est vraiment très coûteux de maîtriser quand on est une ETI de forte croissance comme Eurofins.

 

Eurofins est assurément un petit groupe comparé aux mastodontes du CAC40, mais je suis prêt à parier que cela va donner des idées aux grands groupes, surtout lorsque les candidats à la présidentielle annoncent qu'un impôt sur le chiffre d'affaires sera institué. Et il faudra envisager le doublement de l'autoroute Metz – Luxembourg pour permettre aux français d'aller travailler là-bas chaque jour sans difficulté.

 

Partager cet article
Repost0
19 février 2012 7 19 /02 /février /2012 21:55

Un nouveau concept d'accompagnement des jeunes pousses est né dans la Silicon Valley il y a environ sept ans, en 2005 : l'accélérateur de start-ups.

 

A ne pas confondre avec l'incubateur qui se présente comme une plate-forme de services destinés aux porteurs de projet de création d'entreprise en phase de lancement. La gamme des services comprend généralement l'hébergement dans des locaux meublés avec téléphone et Internet ; l'accès à diverses ressources comme une cantine, une médiathèque, une salle de réunion ; l'accompagnement par un tuteur apportant une expertise, un réseau, des conseils ; un soutien dans la recherche de clients et de financement. Les porteurs de projet sont accueillis pour 6 mois, un an ou plus, avec l'octroi d'une aide finançant tout ou partie de l'incubation et remboursable lorsque l'entreprise commence à générer du chiffre d'affaires.

En France, on note la présence dominante d'acteurs publics dans le financement des incubateurs : les régions, les DRIRE, les départements,..., ce qui conduit à regarder les incubateurs comme des structures d'aide à la création d'entreprise, largement dotées avec des fonds publics.

Il faut bien avouer que ce système n'est pas très contraignant pour les créateurs et pourrait être souvent assimilable à un subventionnement.

 

Les accélérateurs de start-ups lancés aux Etats-Unis sont d'une toute autre nature : ils sont apparus suite à l'évolution récente du marché de la création d'entreprise de haute technologie, après l'éclatement de la bulle Internet. Ayant amassé des fonds considérables venant de leurs souscripteurs, les investisseurs en capital-risque se sont alors trouvés privés de débouchés : il s'est produit un effet combiné de rareté relative des nouveaux projets de création en haute technologie et de baisse des besoins de financement des start-ups. En effet, avec l'avènement des logiciels libres et de langages de programmation de plus en plus performants, avec l'augmentation exponentielle des performances de l'informatique et avec le faible coût de l'Internet et sa grande efficacité pour faire connaître de nouvelles entreprises (bien mieux qu'une agence de communication !), les besoins initiaux des jeunes pousses ont dramatiquement baissé. Pour engager la même somme qu'il y a 20 ans, les investisseurs doivent maintenant étudier de plus nombreux dossiers, y consacrer plus de temps, augmentant ainsi leurs frais.

 

C'est ici que le concept d'accélérateur est entré en jeu avec la création de Y Combinator et ensuite de TechStars qui sont les deux leaders aux Etats-Unis. Après une sélection très sévère des projets (environ 1% des candidats sont acceptés), les porteurs de projet sont accueillis pour une session intensive de 3 mois seulement pendant laquelle ils reçoivent en moyenne $ 20 000 – ce qui leur permet de consacrer tout leur temps à leur projet, ils sont suivis de très près par des « mentors » de haut vol – des entrepreneurs expérimentés, ils bénéficient de prestations de cabinets d'avocat spécialisés et de bien d'autres supports. A la fin du programme, ils présentent leur projet lors d'une sorte de grand messe, face à plusieurs centaines de business angels et d'investisseurs en capital risque. En échange de leur participation à une session et de la somme reçue, les créateurs accordent en moyenne 8% du capital de leur entreprise à l'accélérateur.

 

Cela peut sembler cher payer, mais les candidatures affluent et les accélérateurs se multiplient, partout aux Etats-Unis. Depuis 2 ans, ils se développent également en Europe, en s'appuyant notamment sur les franchises de TechStars et de Y Combinator et selon leur modèle : en Angleterre, en Irlande, Espagne, … . Les partenaires financeurs des accélérateurs sont des entreprises comme Microsoft, Google, Verizon, ...

 

Les résultats sont probants : depuis 2005, Y Combinator a accueilli et financé 380 start-ups ; depuis 2007, TechStars en a accueilli 104, dont 8 seulement n'ont pas survécu, 8 ont été rachetées et 88 se sont développées avec actuellement 656 employés. Le fonds levés par chaque start-up se montent en moyenne à 1 million $ en fin de session.


Et en France ? Mon lecteur ne sera pas étonné d'apprendre que la France est un cas à part ! A ce jour, le seul accélérateur connu, Le Camping, créé début 2011 par l'association Silicon Sentier et localisé dans la mezzanine du Palais Brognart, diffère notablement du modèle développé aux Etats-Unis. Avec Le Camping, il n'est pas question de prise de participation et la somme versée aux participants est faible (4 500 €), la session dure 6 mois, dont 3 d'« accélération » jusqu'à la « démo » et 3 mois de croissance. Il s'appuie actuellement sur 60 mentors, qui, aux dernières nouvelles, n'investissent pas dans les start-ups du Camping.

Les partenaires financeurs du Camping sont : L'Atelier BNP, Google, la banque de détail BNP Paribas, la région Ile-de-France, GL Events, SNCF, le Fonds Social Européen. Là encore une particularité bien française : le poids des financeurs publics, para-public comme la SNCF et institutionnel (la BNP). On peut s'interroger sur les motivations de ces financeurs, mais leur apport est bien sûr toujours bon à prendre.

 

Nous pouvons souhaiter la meilleure réussite au Camping et qu'il se crée des émules ailleurs en France. Nous verrons dans un an ou deux si le modèle mis en place perdure et si les résultats sont à la hauteur des attentes, c'est-à-dire similaires à ceux des cousins d'outre Atlantique.

 

Partager cet article
Repost0
31 décembre 2011 6 31 /12 /décembre /2011 16:50

En janvier 2011, l'Assemblée Nationale a créé une « Mission d’information sur la compétitivité de l’économie française et le financement de la protection sociale », dotée de 32 membres et de deux corapporteurs en la personne de Pierre Méhaignerie (UMP) et de Jérôme Cahuzac (PS). Le Président Bernard Accoyer a clos les travaux le 9 novembre 2011 en annonçant que les corapporteurs n'avaient pu parvenir à un rapport commun.

Donc aucun rapport ne va sortir sur un sujet pourtant ô combien important : la compétitivité de notre pays. Mes lecteurs conviendront que ceci n'est pas à l'honneur de nos députés et qu'en tant qu'électeurs, nous pourrions espérer plus.

 

70 personnes ont été entendues dont des professeurs d'économie, des penseurs, des responsables d'organismes administratifs prestigieux, des syndicalistes et heureusement … huit chefs d'entreprise ! On remarquera au passage que les deux corapporteurs étaient absents lors de l'audition des trois entrepreneurs dirigeant des entreprises de taille petite ou moyenne. Est-ce un hasard ?

 

Au lieu de s'attacher à prendre en considération les réalités concrètes mises en avant par ces entrepreneurs, nos députés ont dû se perdre dans les méandres de leurs préconceptions partisanes.

 

Qu'ont déclaré ces entrepreneurs qui peut paraître essentiel ?

 

Selon Jean-Pierre Clamadieu, PDG de Rhodia, un opérateur industriel coûte 20% plus cher qu'en Allemagne et travaille 7% de moins ; le code du travail interdit de mettre en place des postes de 12 heures par jour, alors que nous pouvons le faire dans presque tous les pays au monde – les salariés et les partenaires sociaux le souhaiteraient pourtant car cela réduirait le nombre de jours de travail dans l'année –, nous en retirerions un avantage compétitif grâce à une capacité plus grande de simplifier notre organisation.

 

Patrick Pelata, Directeur Général Délégué de Renault, indique que « le principal point faible de l'industrie française demeure le poids des charges sociales, parmi les plus élevées du monde ». A partir des données de l'INSEE, le poids des charges sociales au sein des secteurs industriels exposés à la concurrence internationale – industrie chimique, métallurgie, mécanique, électricité, électronique et automobile – varie en France entre 35 % et 43 % du salaire brut. Dans les secteurs abrités – construction, commerce, hôtellerie et restauration –, les taux sont compris entre 22 % et 28 %. Les produits importés ne subissant pas ces charges, les taux élevés « fonctionnent comme des taux de douane dissimulés ».

P. Pelata note que les difficultés en matière de flexibilité du travail concernent non seulement le travail en usine mais aussi en ingénierie et en développement de produit. Alors que l'ingénierie de Nissan peut travailler sans difficulté en cas de besoin 24 heures sur 24, celle de Renault au Technocentre peut difficilement fonctionner à 50%, 14 heures par jour, 5 jours par semaine. Il en résulte des délais de développement plus long en France, donc une réactivité moindre face au marché et à la concurrence, et une plus faible compétitivité.

 

Jean-Cyril Spinetta, Président d'Air France – KLM, fait d'abord remarquer que la perte de compétitivité de la France se constate surtout au sein de la zone Euro, de 1999 à 2010, la part des exportations de la France passant de 16,3 % à 13,1% quand les Pays-Bas eux sont passés de 10,9 % à 12,4 %, dans l'ensemble des 16 pays de la zone Euro. JC Spinetta introduit la notion très intéressante de métiers mondiaux et métiers régionaux. Un nombre limité de métiers industriels sont régionaux : la production de ciment, de verre ou de plâtre (les métiers de Saint Gobain), la production de gaz industriels (Air liquide), la production de boissons comme les jus de fruit, les eaux minérales ; la logique de ces métiers impose la fabrication près des clients, essentiellement à cause des coûts de transport. Les services sont pour la plupart des métiers régionaux. Dans les métiers mondiaux, il est possible de fabriquer ailleurs que dans les pays clients.

En 1995, 2000 et 2003, des mesures ont été prises par 3 gouvernements pour réduire les cotisations sociales sur les bas salaires. Selon un rapport de la Cour des comptes en 2008, « le taux apparent d’exonération, c’est-à-dire le montant des exonérations rapporté à la masse salariale, était de 2 % dans le secteur de l’automobile, de 2,8 % dans celui des équipements électriques, électroniques et informatiques, qui sont des métiers mondiaux, et de 9,8 % dans le secteur de la construction, de 7,8 % dans le commerce, de 13,6 % dans celui des cafés et hôtels-restaurants, tous des métiers régionaux. »

Ces chiffres sont à rapprocher à ceux cités par P. Pelata : depuis 15 ans, par le biais d'exonérations de charges, les métiers régionaux qui ne sont pas confrontés à la concurrence mondiale, sont favorisés et les métiers mondiaux continuent de supporter à peu près les mêmes charges.

Mes lecteurs pourront remarquer que la même politique s'applique du côté de la TVA avec la mise à 5,5% des restaurants – un métier régional par excellence, alors que l'industrie supporte toujours 19,6% !

Tout en prétendant favoriser l'emploi en exonérant les bas salaires, les politiques tuent à petit feu l'industrie et contribuent à fermer les usines.

 

JC Spinetta poursuit en indiquant qu'une compagnie aérienne comme Air France – KLM, est dans une métier de service mondial, confronté comme l'industrie à la concurrence internationale. Pour un salaire brut de 100, Air France paie ses salariés charges sociales comprises : 146 en France, 119 aux Pays-Bas, 129 en Allemagne et en Italie. Il recommande de remplacer les exonérations sur les bas salaires par une baisse uniforme des cotisations sur la famille ou la maladie et la création d'une TVA sociale.

 

Vincent Delozière, directeur général de Refresco France, filiale d'un groupe de 3000 employés, qui fabrique des jus de fruits et des boissons sans alcool pour des grands distributeurs comme U, Leclerc ou Carrefour et de grandes marques comme Coca-Cola ou Orangina-Schweppes, avec 500 salariés sur trois sites de production, évoque les difficultés administratives de mise en place d'une ligne de production (plus de 16 mois), le traitement discriminatoire en matière d'aides publiques (aucune aide par rapport à des concurrents français qui eux reçoivent jusqu'à 25% de leur investiessment) et les mauvaises relations avec la grande distribution.

 

Edmond Kassapian, PDG de Geneviève Lethu, une marque spécialisée dans l'art de la table, déclare que, depuis 2003, il s'efforce de relocaliser en France et abandonne les approvisionnements en Chine. Cette démarche est issue de difficultés de travailler en Chine et correspond à un nouveau positionnement : d'une part « l’augmentation de la contrefaçon, des coûts en Chine, du prix du pétrole et des importations » et d'autre part « la nécessité, pour développer notre concept d’art de vivre à la française qui plaît tant à l’étranger, de produire en France.» Dans ses relations avec les fournisseurs français avec qui il cherche à nouer des partenariats, E. Kassapian mentionne la faible capacité d'investissement des PME (manque de fonds propres, endettement), le manque de formation des chefs d'entreprise (notamment en marketing et en finance) et la complexité du code du travail.

 

Pierre Gattaz, président de Radiall, du Groupe de fédérations industrielles et de la FIEEC, observe d'abord que sur 30 connecticiens existant en France il y a vingt ans, il n'en reste que 4 dont Radiall. En Allemagne, il y avait 50 entreprises familiales de connectique il y a 20 ans et il en reste toujours autant. Selon P. Gattaz, à côté de la problématique des charges et de la compétitivité, « il faut des commandes. » Ainsi en 2001, la filière télécommunications a quasiment disparu, les clients sont partis en Chine. Il faut un écosystème local en France et en Europe, sur lequel s'appuyer pour se développer à l'international. « Si nous avons pu conquérir le marché de Boeing depuis dix ans, c’est parce qu’en France, l’écosystème Airbus-Safran-Thales nous avait permis de créer de nouvelles technologies et de nous développer. »

P. Gattaz évoque ensuite la Conférence nationale de l’industrie qui essaye de mettre en place onze filières stratégiques. Il ne s'agit pas de revenir à l'époque des plans où des hauts fonctionnaires imposaient des choix industriels ; il s'agit plutôt comme le MITI japonais, que l'Etat favorise ces réflexions et que les industriels, les chercheurs et les enseignants se mettent d'accord pour les développer. P. Gattaz rappelle que l'industrie représente 85% de l'innovation, 80% du commerce extérieur, 15% du PIB mais 30 à 35% avec les services associés ou induits (un emploi industriel crée deux emplois de service). « Si l’industrie va mal, toutes les activités qui lui sont liées iront mal aussi. »

P .Gattaz insiste sur la réduction du coût du travail, la première mesure à prendre selon lui, « serait de transformer les 33 milliards d’euros de charges qui sont liés à la politique familiale en points de taxe sur la valeur ajoutée ou de contribution sociale généralisée. Une telle mesure aurait pour effet de renchérir les importations de Chine ou d’Inde, qui rencontrent fort peu de barrières en Europe – alors qu’à l’inverse, pour exporter dans ces pays, nous sommes confrontés à de multiples contraintes : c’est tout le problème de la réciprocité dans les échanges, qu’il conviendrait également de régler. »

 

Le crédit impôt-recherche

 

La plupart des intervenants – JP Clamadieu, P. Pelata, Bruno Cercley de Rossignol, P. Gattaz, se berce de louanges sur le crédit impôt-recherche (CIR), indiquant qu'il permet de renforcer la compétitivité. Par exemple, grâce à lui, selon P. Pelata, le coût annuel d'un ingénieur passe chez Renault de 79 000 € à 68 000 €, mais il est tout de même noté qu'un ingénieur coréen ou brésilien coûte annuellement 38 000 € et un indien 27 000 €.

Cette comparaison fait sourire : est-ce vraiment grâce au CIR, que Renault fait son ingénierie en France ?

Je me permettrai ici d'être même iconoclaste : la suppression du CIR améliorerait la compétitivité de notre pays. En effet, le CIR demande que chaque entreprise ait toute une organisation pour rassembler les justificatifs et effectuer les déclarations afin d'être certain de ne pas se voir infliger un redressement fiscal – il y a de nombreux cabinets de conseil qui vivent très bien en aidant les entreprises dans le maquis fiscal organisé par l'administration et en prélevant une part du crédit versé aux entreprises ; et bien sûr, une partie de l'administration fiscale consacre tout son temps à cette merveilleuse machine que, parait-il, le monde entier nous envie – mais se garde bien de copier. C'est ainsi qu'environ 4 milliards € sont versés aux entreprises chaque année au titre du CIR, duquel il faudra bien retirer 10% soit 400 millions € pour frais de dossier (j'espère que P. Pelata y a pensé quand il a fait son calcul) et ajouter peut-être 50 millions € pour les frais de l'administration fiscale. Ne serait-il pas plus simple de réduire les charges sociales sur les personnels employés en R&D, d'un seul coup, on supprimerait 450 millions € de frais qui eux, n'apportent rien en termes de compétitivité ? Ne voyons nous pas que, d'une certaine manière, nos impôts reversés aux entreprises sous la forme du CIR, par un cheminement un peu compliqué, servent à financer la sécurité sociale ?

 

Simplifier et stabiliser la réglementation française – fiscale, sociale et environnementale

 

On l'a vu plus haut : la complexité et la rigidité du code du travail est un frein pour la compétitivité de notre industrie. Il en résulte qu'au lieu de protéger l'emploi, il le détruit. De même, lorsque les règles fiscales changent chaque année comme pour le crédit impôt-recherche, le statut de jeune entreprise innovante ou le pacte Dutreil, cela fige les décisions des entrepreneurs, les conduit à des attitudes d'attente peu compatibles avec l'évolution rapide des marchés et des opportunités.

Et lorsque de nouvelles règles sortent, l'administration les rend si complexes à mettre en oeuvre par l'édition de notes fleuve que beaucoup surtout parmi les dirigeants de PME, se refusent à prendre ce risque. P. Gattaz note ainsi que « Il y a trois ans, au sujet des heures supplémentaires, il nous a fallu lire et comprendre une note de Bercy de 80 pages… Les chefs d’entreprise ont besoin d’un environnement stable – il ne faut pas changer la loi sans cesse – et simplifié. »

 

 

Partager cet article
Repost0
12 décembre 2011 1 12 /12 /décembre /2011 22:09

Le groupe Roullier est une entreprise familiale fondée en 1959 à Saint Malo par Daniel Roullier, avec l'achat d'un dépôt de maërl(*) et la création d'une unité de transformation en amendement pour les sols. Dès 1959, D. Roullier crée également une filiale : Timac dédiée à la fabrication et la commercialisation des fertilisants, des amendements et des spécialités en production animale à base de minéraux et d’oligo-éléments. Dans les années 60 et 70, l'entreprise se développe en multipliant l'offre de produits fertilisants. L'accent est mis sur des produits spécifiques, adaptés à chaque culture. En 1972, l'entreprise construit sa première usine d'engrais à Saint Malo.

 

Dans les années 80, le développement s'accélère avec d'une part l'acquisition d'usines d'engrais en France, la diversification dans l'alimentation animale et les produits détergents industriels et d'autre part les débuts internationaux, en Grande-Bretagne, Allemagne, Espagne et en Belgique. L'international se renforce dans les années 90, avec une implantation au Brésil.

 

Au début des années 2000, le groupe fait ses premiers pas en Chine après le démarrage de filiales commerciales au Chili, en Turquie et en Bulgarie. Le groupe s'implante en Pologne, Autriche, Uruguay et au Paraguay en 2004. En 2005, il rachète une usine d'engrais granulés à Donau Chemie en Autriche et la société Porfertil, qui produit 450 000 t d'engrais par an sur deux sites au Brésil. En 2008, c'est au tour du Mexique, de l'Ukraine et de l'Egypte.

 

En 2011, les ventes consolidées du groupe vont atteindre les 3 milliards € avec 6 000 salariés. Il est actuellement présent dans 40 pays et projette « de doubler ce chiffre d'ici à 5 ans », selon D. Roullier, toujours sur la brèche après plus de 50 ans, à la présidence du conseil de surveillance du groupe.

 

La transmission

 

D. Roullier vient d'annoncer qu'il avait céder son groupe à ses enfants et petits enfants. La famille détient toujours 100% du capital et un pacte d'actionnaires lie les membres de la famille « au moins pour une ou deux générations ». Trois des filles de D. Roullier occupent des postes de dirigeants dans l'entreprise, selon Les Echos.

 

On peut penser que notre fondateur, jaloux de l'indépendance de son entreprise, a su insuffler aux membres de sa famille une culture entrepreneuriale solide. Le dynamisme du développement, la diversité des produits et les nombreuses filiales offrent certainement beaucoup d'opportunités aux membres de la famille qui souhaitent s'impliquer.

 

Mais j'ose espérer que D. Roullier a prévu un peu plus qu'un pacte d'actionnaires pour sécuriser l'indépendance et la poursuite du développement avec le même esprit entrepreneurial. On notera que deux directeurs généraux qui ne faisaient pas partie de la famille, se sont succédés ces 10 dernières années. Ce qui m'amène à penser que personne de la famille n'a pu encore émerger pour prendre la relève à la direction du groupe, peut-être parce que le fondateur est encore trop présent.  

 

 

(*) Le maërl est une algue rouge qui se développe très lentement à raison de 0,5 mm par an et qui produit des concrétions calcaires riches en calcium, en magnésium et en oligoéléments. Les gisements principaux se trouvent le long de la côte bretonne, aux Glénans et près de Paimpol.

Partager cet article
Repost0
5 décembre 2011 1 05 /12 /décembre /2011 10:49

Le Groupe Rossignol est une entreprise de taille intermédiaire (ETI) comme nous aimerions en avoir plus en France : un leader mondial sur un créneau bien identifié – les équipements de glisse pour les sports d'hiver, avec des marques fortes, établies depuis longtemps, avec un savoir-faire de premier ordre. C'est aussi une entreprise qui a échappé de peu à « une sortie de route » suite à une baisse exceptionnelle de son marché principal : celui des skis qui est passé de 7 millions de paires par an en 2002 à 3,5 millions en 2009, en grande partie à cause de l'explosion du marché de la location.

 

Créée en 1907 par Abel Rossignol, qui réalise alors sa première paire de skis artisanale en bois massif, Rossignol accompagne très tôt les champions de ski comme Emile Allais, champion du monde en 1937, Henri Oreiller champion olympique en 1948, Jean Vuarnet champion de descente en 1960 à Squaw Valley (USA), et bien d'autres. L'entreprise est reprise en 1956 par Laurent Boix-Vives qui en accélère le développement fondé sur des innovations techniques (premier ski métallique, premier ski en fibre de verre,...), sur un fort soutien des champions de ski, sur une expansion internationale notamment aux Etats-Unis, et l'acquisition d'autres gammes de produit : skis Dynastar, chaussures Lange, fixations Look, bâtons Kerma … Conscient du risque d'être uniquement positionné sur les sports d'hiver, dont l'expansion s'est ralentie dans les années 1980-1990 et dont l'activité est dépendante des … chutes de neige, L. Bois-Vives a tenté de se diversifier dans le matériel de golf et les textiles. Cette diversification est restée toute relative car, en 2006, 71% de l'activité était toujours en matériel de ski, 22% en matériel de golf et 7% en textiles.

 

Bien que Rossignol soit cotée en Bourse et que cela aurait pu être une voie de sortie quand L. Bois-Vives a souhaité se retirer, c'est Bernard Mariette, PDG de Quiksilver, leader mondial des vêtements de sport et ami de L. Bois-Vives, qui a en quelque sorte, joué les « chevaliers blancs » en faisant une offre en 2005 que les actionnaires n'ont pu refuser : 560 millions € soit près de deux fois le chiffre d'affaires. En fait, le problème de la baisse du marché se posait déjà et une sortie en Bourse était devenue une quasi-impossibilité.

 

La situation de Rossignol s'est détériorée rapidement et Quiksilver a tenté le redressement par des restructurations et le transfert d'une partie de la production en Chine et en Pologne. En 2008, le groupe a vu son chiffre d’affaires baisser de 15% pour tomber à 248 millions €, avec un résultat net négatif de -70 millions € et une dette de 370 millions €. La situation de trésorerie était si tendue que la société allait se retrouver en état de cessation de paiements en mai 2009 (dépôt de bilan). Sous la pression des actionnaires mécontents, Rossignol a été vendue en novembre 2008 pour moins de 100 millions € à la holding Chartreuse & Mont Blanc détenue majoritairement par le groupe australien Macquarie et dirigée par Bruno Cercley, ancien directeur général de Rossignol.

 

Le redressement

 

Le plan de redressement a consisté essentiellement en une reprise en main de la gestion, la mise en place de nouvelles procédures, un repositionnement des marques – Lange, Rossignol, Dynastar et Look, vers le haut de gamme et un alignement de l'entreprise avec une production réduite en rapport avec la nouvelle taille du marché soit une réduction des effectifs de 30% et un nombre de références divisé par 2. Le plan mis en oeuvre avec l'aide du cabinet A&M, spécialiste du retournement d'entreprises, a permis d’économiser 60 millions € par an et d'améliorer le besoin en fonds de roulement de 90 millions € via un réduction des stocks et la diminution du délai de règlement clients. L'affacturage (cession des factures) a aussi permis de financer la trésorerie à hauteur de 45 millions €.

En moins de 18 mois l'excédent brut d'exploitation est redevenu positif et fin 2010, la trésorerie nette est redevenue positive. Pour l'exercice clos le 31/03/2011, les ventes progressent de 5% à 206 millions € et le résultat net est positif à 3 millions €.

 

 

La relocalisation

 

Et, plus extraordinaire, la production délocalisée est revenue en France. Les skis fabriqués à Taï Wan sont revenus à Sallanches et la fabrication des fixations a été ramenée de Pologne à Nevers. En effet selon B. Cercley, « dans une industrie où la matière première vient d'Europe, où l'essentiel des ventes se fait en Europe et en Amérique du nord, fabriquer en Asie ne présentait pas d'intérêt... Notre capacité de production instantanée sera décuplée, ce qui confortre notre stratégie : une production locale au plus près du marché et des matières premières, répondant au plus vite à la demande pendant la saison de sports d'hiver, ce qui ne peut se faire en produisant en Chine.» La production a été concentrée sur 4 sites où des investissements importants ont été réalisés : Sallanches (Haute Savoie) et Artes (Espagne) pour les skis, Nevers (fixations) et Montebelluna (Italie).

Le groupe emploie maintenant 1220 personnes dont 670 en France, 440 en Europe et 100 en Amérique du Nord.

 

Retrospectivement, ce qui a failli faire disparaître Rossignol, est le manque de réactivité face à la baisse du marché depuis le début des années 2000 et une gestion peu rigoureuse de l'entreprise. En fait, à l'origine des difficultés, L. Bois-Vives qui a su développer l'entreprise et en faire un leader mondial, n'a pas pu initier une transmission idéalement familiale, former un successeur et assurer une transition assurant la poursuite du développement et de la croissance comme on le trouve souvent parmi les entreprises moyennes centenaires du Mittelstand allemand. Le repreneur, B. Cercley saura t'il enclencher cette dynamique vertueuse ?

Partager cet article
Repost0