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20 août 2011 6 20 /08 /août /2011 16:54

Peu connus du grand public, les instituts Carnot ont été lancés en 2005 dans le cadre du Pacte pour la recherche. Leur objectif majeur est de favoriser la recherche partenariale et sous contrat entre les laboratoires publics et les entreprises, le développement de l'innovation technologique et les transferts de technologie. Une très belle carotte fiscale – le doublement du crédit impôt recherche, est offerte aux entreprises qui contractent avec un institut Carnot.

 

Il faut bien avouer que cette initiative constitue un nouvel effort pour rapprocher les laboratoires de recherche et les entreprises et faire en sorte que les milliards investis dans ces laboratoires débouchent sur des applications industrielles et des succès commerciaux.

 

La référence en la matière fréquemment citée est le réseau allemand des Instituts Fraunhofer. Naturellement, on indique que le dispositif Carnot s'en distingue par des caractéristiques originales. Il s'agit là d'un euphémisme : ces deux animaux sont vraiment très différents. Fraunhofer Gesellschaft est une entreprise privée créée en 1949 ayant pour objet la recherche sous contrat. Aujourd'hui, elle dispose de 60 instituts, avec 18 000 employés et un budget annuel de 1,66 milliard d'€. En choisissant le nom de Fraunhofer, les fondateurs ont souhaité prendre pour exemple une personnalité exceptionnelle : Joseph von Fraunhofer (1787-1826) à la fois savant, inventeur et chef d’entreprise. Issu de la formation professionnelle en optique et largement autodidacte, Joseph von Fraunhofer est particulièrement connu pour ses découvertes sur la diffraction de la lumière, pour l'étude de 354 raies noires du spectre du soleil, l'invention du spectroscope et pour la réalisation du lunettes astronomiques aux performances exceptionnelles pour l'époque, alors qu'il était à la tête d'une entreprise de verre optique. Depuis ses débuts, Fraunhofer Gesellschaft a poursuivi une stratégie combinant le développement de technologies innovantes et une approche marketing des entreprises susceptibles de les mettre en oeuvre. En ce sens, une entreprise comme Bertin Technologies est proche de Fraunhofer.

 

A partir de 1977, Fraunhofer a rejoint le programme de financement de la recherche aidé par le gouvernement fédéral et les Länder allemands. Cela a permis une accélération de sa croissance, son budget étant passé en 30 ans de 60 millions € à 1,66 milliard €. Aujourd'hui, environ 2/3 de son budget provient des contrats de recherche avec les entreprises. Fraunhofer est essentiellement orientée vers la recherche appliquée et a développé des coopérations avec des centres de recherche universitaires pour accéder à leur recherche fondamentale.

 

A la différence des instituts Fraunhofer, les instituts Carnot sont des structures relevant de une ou plusieurs entités juridiques différentes ; par exemple :

- le CEA LETI (Grenoble), un des instituts majeurs en Europe pour la recherche appliquée en micro & nano technologies,

- Ingénierie@Lyon (I@L) qui fédère 12 laboratoires dont l'Institut des Nanotechnologies de Lyon (INL), le Laboratoire de Mécanique des Fluides et d'Acoustique (LMFA), le Laboratoire de Tribologie et Dynamique des Systèmes (LTDS) et le Laboratoire AMPERE (génie électrique, électromagnétique, automatique, micro-biologie environnementale et applications) qui sont des laboratoires de l'Ecole Centrale de Lyon,

- Voir et Entendre qui regroupe 3 laboratoires de l'INSERM : l'Institut de la Vision, l'Unité de recherche de Génétique des Déficits sensoriels (INSERM/PASTEUR) et le Centre d’Investigation Clinique du CHNO des 15-20.

 

Pour la première fois en 2006 et 2007, le label Carnot a été attribué par le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche à 33 instituts pour une période de 4 ans, à l'issue d'un appel à candidatures et de recommandations de la part d'un jury composé de représentants du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, d'autres organismes dont OSEO-ANVAR et Fraunhofer, de chercheurs et de représentants des entreprises. La gestion du financement des instituts Carnot a été confiée à l'Agence Nationale de le Recherche (ANR) qui assure également le suivi des réalisations de chaque institut au regard de leurs engagements et objectifs. Chaque institut s'engage à respecter une charte qui prévoit notamment la définition d’une stratégie de recherche claire, intégrant les attentes des entreprises partenaires. Une association a été constituée, l'AICarnot qui fédère les instituts et qui a pour objet principal de faire connaître le dispositif Carnot et de renforcer le professionnalisme des acteurs.

 

Une aide fiscale considérable pour les entreprises

 

Le dispositif Carnot est associé avec une aide fiscale liée au crédit impôt recherche. Le crédit impôt recherche (CIR) est une mesure d'incitation au développement des dépenses de recherche et de développement des entreprises mise en place par l'Etat depuis environ 20 ans ; ce crédit vient en déduction de l'impôt sur les sociétés. Depuis 2008, le taux de crédit d'impôt est de 30% des dépenses R&D reconnues éligibles jusqu'à 100 millions €, au-delà de ce seuil, le taux est de 5%. Un taux plus élevé s'applique les deux premières années où l'entreprise demande à bénéficier du CIR (40 et 35% en 2011).

 

Le taux du CIR est doublé pour les contrats de recherche entre une entreprise avec un institut Carnot ! Le taux est ainsi de 80% la première année, 70% la deuxième et 60% les années suivantes.

Dans la mesure où les prestations de R&D de l'institut Carnot sont à la hauteur des attentes de l'entreprise et que les résultats sont à l'arrivée, il s'agit là d'une incitation très forte à lancer des projets collaboratifs.

Il semble que les PME répondent présent à cet appel : en 3 ans, à fin 2010, leur activité contractuelle avec les instituts Carnot a progressé de 61%, passant de 10% à 13% de l'ensemble du chiffre d'affaires contractuel du réseau Carnot qui lui-même a augmenté de 27% à 810 millions €.

 

On constate bien sûr que ce sont les grandes entreprises qui sont toujours les grands partenaires des instituts Carnot à hauteur de 87% du chiffre d'affaires de ces derniers. En effet, il résulte du processus d'appel d'offres et de sélection que les instituts Carnot sont constitués de laboratoires travaillant déjà largement sous contrat comme le CEA LETI et l'ONERA.

 

Ce qu'on doit souhaiter avec force, c'est que le dispositif Carnot soit maintenu dans la durée. Que par exemple, une fois que l'on constate son succès, il ne passe pas sous le rabot des niches fiscales.

Déjà cette année, le CIR qui « coûte » plus de 4 milliards à l'Etat a subi des modifications restrictives. Que se passera-t-il en 2012 ? alors que les politiques ne cessent de déclarer qu'il faut investir dans l'innovation et la recherche.

Avec un CIR qui rencontre un succès croissant auprès des PME, il est certain que leur passage aux contrats avec les instituts Carnot paraît tout naturel.

 

Le succès du dispositif avec les grands laboratoires devrait inciter de nombreux autres à préparer soigneusement leur réponse aux appels d'offres. Ainsi lors de la première sélection en avril 2006, seuls 20 candidats sur 67 dossiers ont été retenus et en mars 2007, 13 structures seulement sur 51 demandes ont reçu le label ! Aujourd'hui le nombre total des instituts n'est passé qu'à 34, laissant encore de côté de nombreux candidats. Ceci serait tout à fait bénéfique pour augmenter et diversifier l'offre, notamment dans le domaine des sciences du vivant et du médical, de l'agro-alimentaire et des technologies de l'information.

 

Les instituts Carnot

 

Pour ceux de mes lecteurs intéressés, la liste des 34 instituts labellisés Carnot :


3BCAR 
- Bioénergies, Biomolécules et Biomatériaux du Carbone Renouvelable 


ARTS - Actions de Recherche pour la Technologie et la Société (essentiellement le réseau des Ecoles d'Ingénieurs des Arts et Métiers)

BRGM - Bureau de Recherches Géologiques et Minières 



CALYM - Consortium pour l’Accélération de l’Innovation et de son Transfert dans le Domaine du Lymphome 



CEA LETI - Laboratoire d’Electronique et de Technologies de l’Information 



CEA LIST - Laboratoire d'Intégration des Systèmes et des Technologies 



CED2 - Chimie, Environnement et Développement Durable 



Cemagref - Institut de recherche en sciences et technologies pour l'environnement 



Cetim 





CIRIMAT - Centre Inter universitaire de Recherche et d’Ingénierie des Matériaux 



CSTB - Centre Scientifique et Technique du Bâtiment 



Curie Cancer 





Energies du futur 





ESP - Energie et Systèmes de Propulsion 



I@L - Ingénierie@Lyon 



ICÉEL - Institut Carnot Énergie et Environnement en Lorraine 



ICM 

Institut du cerveau et de la moelle épinière 



ICSA - Institut Carnot Santé Animale 



IFP - Moteurs 



IFP Energies nouvelles 



Ifremer EDROME - Exploration et exploitation Durable des Ressources Océaniques Minérales et Energétiques 



Inria - Inventeurs du monde numérique 



ISIFoR - Institute for the sustainable engineering of fossil ressources 



LAAS CNRS - Laboratoire d'Analyse et d'Architecture des Systèmes 



LISA 

Lipides pour l’Industrie et la Santé 



LSI 

Logiciels et Systèmes Intelligents 



M.I.N.E.S - Méthodes Innovantes pour l’Entreprise et la Société, essentiellement le réseau des Ecoles des Mines

MICA - Materials Institute Carnot Alsace 



ONERA ISA -
Ingénierie des Systèmes Aérospatiaux 



Pasteur MI - Pasteur Maladies Infectieuses 



PolyNat - Matériaux souples bio-sourcés fonctionnels innovants à haute valeur ajoutée 



Qualiment - Institut Carnot Qualiment®, l’appui de la recherche publique à l’innovation agro-alimentaire

STAR - Science et Technologie pour les Applications de la Recherche 



Télécom & Société numérique 





Voir et Entendre 



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13 août 2011 6 13 /08 /août /2011 10:16

La grande maison industrielle allemande repose en grande partie sur le Mittelstand – les entreprises moyennes. Au premier rang des facteurs de succès du Mittelstand, on trouve la tradition de transmission familiale de ces entreprises. Nombre d'entre elles sont plus que centenaires avec à leur tête la famille fondatrice. A la source de cette faculté de transmettre de génération en génération tout en poursuivant le développement des entreprises, il y a bien sûr une culture familiale et entrepreneuriale forte et un engagement de long terme des actionnaires ; il y aussi de la part du dirigeant familial, l'accompagnement de celui des héritiers qui aura les meilleures qualités et une volonté affirmée de reprendre la direction de l'entreprise.

 

Mais que se passe-t-il si certains héritiers ne souhaitent pas rester actionnaires et veulent récupérer leur part du gâteau familial ? On peut imaginer que celui qui reprend la direction, aille à l'extérieur rechercher le financement nécessaire. Cela risque de fragiliser l'entreprise si par exemple, ce dernier a recours à une dette bancaire élevée ; le remboursement des annuités le contraindra à réduire les investissements ou les efforts commerciaux ou même à puiser dans les ressources en trésorerie patiemment accumulées par les aïeuls. Un autre voie comporte d'autres risques : le recours à un fonds d'investissement ; celui-ci apportera volontiers les capitaux nécessaires mais introduira des exigences particulières de rentabilité et une nouvelle échelle de temps ; en effet les fonds d'investissement ne sont que dépositaires des capitaux de leurs souscripteurs et ils doivent les rembourser au bout d'un temps relativement court (typiquement huit ans) et avec le meilleur rendement possible. Potentiellement, en mettant l'entreprise « sous tension », le fonds contribuera à améliorer la gestion et cela sera peut-être en phase avec la stratégie du dirigeant. Mais l'échelle de temps sera difficilement compatible avec celle du holding patrimonial. A l'issue de l'opération d'investissement du fonds, le dirigeant sera à nouveau à la recherche d'un financement : avec un nouveau fonds ou une nouvelle dette ou avec un investisseur de long terme de type « family office » ...

 

On voit qu'à l'origine du problème posé par les héritiers, il y a le fait que le gâteau familial est essentiellement constitué par l'entreprise. Afin d'échapper à cette situation et de diversifier le patrimoine familial, le dirigeant peut envisager de réaliser un OBO, « Owner Buy Out ». Il s'agit en effet d'une opération qui lui permet de réaliser une partie de son patrimoine tout en conservant le contrôle de l'entreprise. Le patrimoine ainsi réalisé pourra alors être transmis aux héritiers qui ne veulent pas rester actionnaires, la part constituée par l'entreprise étant reprise par l'héritier qui en prendra la direction.

 

Pour un OBO comme pour une opération classique de LBO – rachat avec effet de levier, une société holding est constituée à laquelle le dirigeant apporte une partie de ses parts et vend le solde. L'achat du solde par la holding est financé par un emprunt et souvent par un apport en fonds propres d'une société de capital investissement. Pour le dirigeant, un question clef est de savoir si il souhaite faire intervenir un investisseur ou non. Si son objectif premier est la réalisation d'une partie de son patrimoine tout en conservant un contrôle familial en vue d'une transmission, on peut recommander un financement par l'emprunt seul. Mais dans la cas où une transmission familiale n'est pas envisageable, l'OBO avec un investisseur permet de préparer une transmission à un manager ou aux cadres de l'entreprise en ménageant une phase de transition au cours de laquelle le dirigeant est toujours impliqué. C'est ainsi qu'une société comme Initiative et Finance a effectué 9 OBO sur ses 15 opérations de LBO réalisées ces deux dernières années. Dans tous les cas, la continuité dans la direction de l'entreprise mettra en confiance les banques lors de la levée de la dette.

 

L'OBO de Gras Savoye

 

Gras Savoye est une entreprise créée il y a plus 100 ans et devenue en 1992 le numéro un français du courtage en assurance et le 9ème mondial. Elle s'est largement développée par de nombreuses acquisitions de cabinets de courtage et est maintenant implantée directement dans plus de trente pays.

 

En 1997, Gras Savoye, qui était jusque là entièrement détenue par ses actionnaires familiaux et son management, a noué un partenariat avec le groupe de courtage américain Willis, qui a pris une participation de 33% dans Gras Savoye. Avec cette opération, la famille a conservé le contrôle tout en réalisant une partie de son patrimoine ; ce qui a sans doute permis à certains actionnaires de sortir et a facilité la solution de questions d'héritage. L'autre facette de l'accord était le partenariat commercial entre Gras Savoye et les agences Willis présentes dans plus de 100 pays. Par des achats successifs, la participation de Willis est montée à 46,2% en 2008.

 

En 2009, nouvelle étape : les actionnaires familiaux et le management de Gras Savoye, Willis et un troisième larron : Astorg Partners (un fonds d'investissement), effectuent un OBO par lequel Gras Savoye valorisée 460 millions € est rachetée à ses actionnaires par une holding. L'actionnariat de la holding est composé à égalité par les familles Gras Savoye, par Willis et par Astorg à hauteur de 31,8%, les 4,5% restant étant détenus par le management de Gras Savoye. Les actionnaires apportent environ 200 millions € en capital et le solde est financé par des obligations convertibles et des emprunts en partie détenus par Willis. Avec cette nouvelle opération, les actionnaires familiaux ont pu à nouveau réaliser une partie de leur patrimoine, résolvant potentiellement une problématique de transmission actuelle ou future. Willis a pu également convertir en liquidités une partie de son investissement.

 

En 2015, très certainement lorsque les emprunts auront été remboursés, Willis aura la possibilité d'exercer une option d'achat sur l'ensemble du capital. Naturellement Astorg sera intéressé par la vente des ses parts, étant tenu par ses engagements envers ses souscripteurs de leur retourner leur investissement. Que se passera-t-il ? Le plus probable est que Gras Savoye et Willis poursuivront leur partenariat stratégique, les actionnaires familiaux et le management restant au capital et aux commandes de l'entreprise. Peut-être s'associeront-ils avec un nouveau fond et effectueront-ils un nouvel OBO ?

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31 juillet 2011 7 31 /07 /juillet /2011 20:49

Créée à La Défense (92) en 2003, Sequans Communication est une entreprise qui ne fait pas beaucoup de bruit en France et pourtant, avec plus de 250 employés dont 50% en France, elle va dépasser les 100 millions $ de chiffre d'affaires en 2011, en progression de plus de 45% par rapport aux 68,5 millions $ de 2010, avec un profit opérationnel depuis le 1er trimestre 2011. Sequans conçoit et commercialise les puces électroniques qui sont au coeur de la norme 4G destinée à la prochaine génération de téléphones mobiles. Avec la 4G, le débit maximum des données passera à 20 mégabits/s, soit près de 3 fois plus que la 3G actuelle. Comme pour la plupart des fournisseurs de puces, la fabrication est sous-traitée à un fondeur taïwanais, TMSC en l'espèce. Ce qui fait que Sequans consacre toutes ses ressources à la recherche et développement et à la commercialisation, avec des implantations aux Etats-Unis, Royaume-Uni, Israël, Hong-Kong, Singapour, Taï-Wan...

 

Déjà dotée d'un capital de 50 millions €, Sequans a été introduite à la Bourse de New York le 18/04/2011, une première pour une entreprise française depuis 10 ans. Georges Karam, PDG de Sequans, explique ainsi pourquoi la société n'a pas été d'abord introduite à Paris : « Paris comporte moins de valeurs technologiques comparables à Sequans Communication. En nous introduisant à New York, nous nous offrons un accès à un marché où les opérateurs et les investisseurs sont spécialisés sur notre activité. »

 

La norme 4G est partagée entre deux standards : le Wi-Max et le LTE. Sequans est leader avec 40% du marché du Wi-Max qui est surtout présent aux Etats-Unis, au Japon et en Corée. Depuis 2009, elle investit dans le LTE qui va devenir le standard le plus répandu de la 4G et vise 15% du marché face à de grands concurrents comme Qualcomm, Broadcom ou STEricsson. Les études de marché estiment que le nombre de puces 4G vendues dans le monde devrait passer de 14,5 millions en 2010 à 245,9 millions en 2014.

 

Comment peut-on expliquer le démarrage si rapide de Sequans ? Je crois que la clef se trouve simplement dans l'Équipe : elle est composée d'experts très expérimentés qui sont passés par Alcatel, Texas Instruments, Wavecom, Pacific Broadband, Intel,... On peut noter que le directeur scientifique Hikmet Sari, détenteur de plus de 20 brevets, est professeur à Supelec et directeur du département Télécommunications.

 

Sequans tiendra-t'elle son pari de devenir un acteur majeur du monde des puces de télécommunications ? Selon des propos de Georges Karam recueillis par Les Echos : « Dans notre métier, on se distingue par quatre choses : la performance radio de la puce, sa consommation, sa taille et son coût. Notre spécialisation dans la puce 4G est un atout par rapport à la concurrence dispersée sur plusieurs marchés. » On peut lui souhaiter bonne chance.

 

Sequans a au moins fait la démonstration qu'il est possible de créer en France une entreprise de forte croissance dans un domaine où l'effet de taille est très important : celui hyper-compétitif des puces électroniques.

 

 

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19 juillet 2011 2 19 /07 /juillet /2011 21:56

Croissance Plus, association qui fédère les dirigeants d’entreprises en forte croissance, vient de publier sur son site un guide « Comment investir le monde » ; ce guide fourmille de conseils sur la conquête des marchés internationaux. Croissance Plus encourage vivement tous les entrepreneurs à poursuivre une stratégie de développement à l'export.

 

Au sein du club d'entrepreneurs que je connais bien, nous rencontrons de nombreux créateurs et nous évoquons souvent avec eux l'importance de prévoir très tôt la croissance au-delà des frontières. En écho, il y a souvent de bonnes raisons pour la reporter à plus tard : le manque de ressources, la méconnaissance des marchés, comment faire ? Par quel pays commencer ?

 

Et pourtant l'histoire est riche d'entreprises qui sont devenues grandes et même très grandes, pour avoir très tôt lancé une activité internationale. Par exemple, ce n'est que quatre ans après la création d'Air Liquide en 1902 que la jeune société entreprend son expansion internationale en Belgique, en Italie, au Canada, au Japon et à Hong Kong. Dès 1994, soit quatre ans après sa création en France, Business Objects a été coté à la Bourse de New York sur le Nasdaq.

 

En préambule le guide de Croissance Plus indique trois bonnes raisons pour aller à l'international :

a) l’export est une source de revenus multiples qui permettra de diversifier clients, sources de revenus et de limiter l’exposition au risque de crise locale.

b) le niveau de profitabilité sur des marchés export est bien souvent supérieur, car selon le guide, la société exportatrice peut se prévaloir d’une expertise locale, d’une valeur ajoutée supplémentaire en misant sur ses produits ou services « fers de lance ».

c) l’export apporte une ouverture d’esprit et un enrichissement humain et culturel indéniable qui renforceront les compétences et la compétitivité de l’entreprise et de ses hommes.

 

Sur le point a), on peut ajouter que si les produits sont conçus pour les marchés internationaux, l'apport des ventes export permet d'allonger les séries, de produire un plus grand nombre d'un même produit et finalement de réduire les coûts et d'améliorer la compétitivité. Ce phénomène conduit à une meilleure profitabilité avec une plus grande certitude que l'avantage de l'expertise locale cité par Croissance Plus.

 

L'ouverture d'esprit évoquée par Croissance Plus contribue plutôt à apporter de nouvelles idées et à stimuler l'innovation grâce à la rencontre de clients dont les besoins seront plus hétérogènes et aux efforts que l'entreprise exportatrice sera obligée de fournir pour les satisfaire.

 

Un dernier point extrêmement important est la veille concurrentielle permise par une présence sur de multiples marchés où des concurrents parfois inconnus sur le marché intérieur, possèdent des positions solides. Etre absent d'un marché important, où foisonnent les innovations comme les Etats-Unis, expose l'entreprise qui reste sur son marché intérieur, à être submergée un jour par un compétiteur innovant qui a acquis de solides positions et une forte compétitivité sur ses marchés d'origine.

 

Selon une étude récente d'Altarès, filiale de Dun & Bradstreet, près de 60 % des PME exportatrices seraient contraintes d’exporter pour répondre à la saturation du marché intérieur, tant en nombre d’opérateurs qu’en potentiel de croissance. Si cela est vrai, c'est bien regrettable, car cela signifierait que la stratégie de développement export de la majorité de PME serait dictée par une réaction alors que les avantages sont tels qu'une stratégie proactive devrait s'imposer. Les difficultés les plus souvent citées par les exportateurs comprennent : des coûts de production trop élevés en France et la méconnaissance des contraintes locales à l’étranger (réglementations fiscales, juridiques, douanières) et souvent chez les PME, la non-maîtrise par leurs personnels des langues étrangères.

 

Une étude de Natixis va même plus loin en montrant que les entreprises implantées à l'étranger (EIE) ont un niveau de compétitivité plus élevé que les entreprises exportatrices. De plus, le fait d'être implantée à l'étranger favorise l'exportation et les EIE exportent typiquement plus que les PME sans implantation. Par exemple, parmi les PME de moins de 50 employés, les EIE exportent 39% de leur production alors les PME sans implantation vendent 17% de leur production à l'étranger.

 

Il apparaît donc qu'une stratégie de croissance doit non seulement prévoir un développement des ventes vers l'étranger mais aussi rapidement, des implantations sur les marchés les plus importants. Une telle démarche sera la plus efficace pour favoriser la croissance globale de l'entreprise ainsi que celle de ses exportations.

 

 

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30 juin 2011 4 30 /06 /juin /2011 21:14

OVH est une société discrète fondée en 1999 à Roubaix par Octave Klaba alors encore étudiant à l'ICAM de Lille. Moins de 12 ans plus tard, OVH est le numéro un de l'hébergement de sites Internet en Europe (et le numéro 6 mondial) avec plus de 18 millions de sites hébergés et 2,3 millions de noms de domaine ! Lors de l'inauguration de son nouveau centre « Roubaix 4 », qui possèdera à terme 35 000 serveurs informatiques, le père d'Octave, Henryk Klaba, président d'OVH, a dévoilé que sa société croit de 40% par an et a déjà dépassé l'objectif 2011 de 100 millions € de chiffre d'affaires avec 15 filiales dans le monde. Les 35 000 serveurs de Roubaix 4 viennent s'ajouter aux 90 000 dont OVH dispose déjà à Roubaix, et aux 10 000 à Paris. En projet, il y a un nouveau centre de 15 000 serveurs à Strasbourg destiné à la clientèle en Italie, en Suisse et en Allemagne et un centre de 10 000 serveurs au Canada. Un site est à l'étude à San Antonio au Texas.

 

OVH qui a déjà 380 salariés, va recruter 110 personnes en 2011. Ce développement à marche forcée est fondé sur l'innovation et la créativité ; tous les bénéfices sont réinvestis dans l'entreprise. Début 2011, Henryk Klaba a déclaré à Lille Grand Palais que : "La base, c’est l’innovation et la création. C’est une société leader, nous cherchons des nouvelles tendances, des nouvelles technologies. Nous sommes rapides, flexibles et nous prenons des risques. On ne perd pas de temps à développer des brevets : « suivez-nous si vous en êtes capable ! ». Dès que quelqu’un a une idée, on assure les finances. On embauche des gens jeunes et créatifs, à qui on laisse une large marge de manœuvre. Et puis Octave est à l’écoute des clients sur le forum et la mailing list. La valeur d’OVH, ce sont d’abord ses employés… La valeur de la société, c’est la valeur des gens, le reste on peut l’acheter. La vie est courte, faire de l’argent pour faire de l’argent ça n’a pas de sens, l’important c’est de vivre une histoire, en famille et avec des gens qui ont notre confiance. Je suis fier de travailler avec mes fils et avec une cinquantaine de personnes exceptionnelles humainement et professionnellement. Je me sens responsable de mon entreprise et des salariés. Quand quelqu’un veut partir, je suis fâché… "


Au-delà de la téléphonie sur Internet et de services d'accès qu'elle propose également, OVH élargit son offre : dans le domaine du "Cloud computing" (l'informatique en nuage ou l'informatique virtuelle), elle propose ses réseaux à très grand débit pour permettre aux spécialistes du "Cloud" de garantir une bonne qualité de service et un accès rapide et permanent à leurs clients ; en parallèle, Miroslaw, un autre fils de Henryk, travaille sur le projet "Cloud" qui sera une offre d'espace sur ses serveurs pour les acteurs du "Cloud computing".

 

OVH annonce qu'elle vise le leadership mondial !

Cela vaut la peine de le noter car ce type d'annonce reste plutôt rare en France dans le domaine des technologies de l'Internet. A l'évidence, OVH croit plus vite que le marché et pourrait bien atteindre son objectif.

 

(*) gazelle : dans le jargon politico-économique actuel, entreprise petite ou moyenne dont la croissance des ventes est rapide, supérieure à 10% par an ; ces entreprises sont bien sûr les plus créatrices d'emploi.

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25 juin 2011 6 25 /06 /juin /2011 22:15

Selon une très grande majorité d'analystes, la réussite de l'Allemagne sur les marchés export repose sur la force et le nombre de ses entreprises de taille intermédiaire, appelées le Mittelstand. Mais les avis sont très partagés sur la possibilité de transposer ce « modèle » en France. Certains diront qu'il s'agit d'un phénomène dû à l'environnement culturel et politique propre à l'Allemagne, en déduisant bien sûr qu'il n'est pas transposable. Mais est-ce bien sûr ?

 

Selon une étude récente du Conseil d'Analyse Economique Franco-Allemand, la France souffre d'un grave déficit d'entreprises de taille moyenne, entre 250 et 3000 salariés, que l'on a nommées ETI, enetreprises de taille intermédiaire. Ce qui fait surtout défaut, ce sont des entreprises intermédiaires, technologiques et exportatrices, spécialisées sur leur créneau de produit-marché où elles peuvent disposer d'un leadership mondial.

Souvent, j'ai personnellement constaté que, dans un domaine donné où une PME française est l'unique industriel fabricant en France et quelquefois leader sur son marché domestique, il existe un concurrent allemand, cinq à dix plus important, ayant des filiales dans plusieurs pays clés et détenant un leadership mondial. Dans d'autres cas, il s'agit de deux ou trois concurrents allemands toujours deux à cinq fois plus grosse que la PME française, et qui se partagent le leadership.

 

A juste titre, les auteurs de l'étude indiquent que l'entreprise grandit parce qu'elle est compétitive, parce qu'elle est tournée vers les marchés internationaux. Il est certain aussi que si on arrive à concevoir des produits ciblés, adaptés pour ces marchés, et compétitifs en prix, le volume tiré de ce potentiel conduit à une amélioration de la compétitivité. La compétitivité précède la croissance à l'export qui elle-même permet à l'entreprise de grossir. Et ce n'est sûrement pas avec des subventions, que ce type de croissance se produit.

 

Comment favoriser l'épanouissement de cet environnement de compétitivité en France ? Au préalable, on peut affirmer que cela demandera un effort continu sur le moyen et le long terme, avec la mise en place de politiques stables et cohérentes.

Les auteurs de l'étude avancent les recommandations suivantes :

- faciliter par une politique fiscale adaptée la transmission d'entreprise familiale,

- investir en innovation tant dans le domaine de la R&D que dans les autres secteurs de l'entreprise,

- développer les réseaux de coopération, de partenariats et d'échanges entre entreprises.

 

En filigrane, l'on aperçoit les trois problématiques principales : la transmission des entreprises, l'investissement et les réseaux.

 

La transmission


La transmission est une question absolument majeure à mon sens ; on constate que beaucoup de PME avec un potentiel de croissance, disparaissent en France soit par absorption par un grand groupe français soit par un groupe étranger ; je citerai les exemples récents de Business Objects rachetée par SAP (une entreprise allemande qui tient tête aux américains dominants en logiciel), Price Minister racheté par Rakuten (un leader japonais en commerce électronique). L'alternative à la vente à un groupe, est souvent le rachat à la famille fondatrice par un fonds d'investissement qui va faire naviguer l'entreprise de LBO primaire en LBO secondaire puis tertiaire ..., jusqu'au moment où la mécanique se met à dérailler faute d'investissement de long terme et en particulier de développement international. Les fonds ont beau nous raconter que l'investissement est leur priorité : c'est une belle histoire pour les cédants, les salariés et les souscripteurs du fonds. En réalité, l'objectif est de maximiser la rentabilité de court terme, le remboursement de la dette d'acquisition et in fine, le prix de revente à un autre fonds. On ne peut pas faire cela et investir résolument pour le long terme : les ressources de l'entreprise sont par essence limitées et des choix doivent être faits.

 

A contrario, de très nombreuses entreprises moyennes allemandes sont plus que centenaires, plusieurs générations s'étant succédées à leur tête. C'est un des secrets de leur force : une culture entrepreneuriale solide se transmettant de génération en génération, un engagement de long terme de la part d'actionnaires qui n'ont pour objectif que le développement de l'entreprise.

Dans un domaine que je connais bien qui est celui de l'instrumentation et de la mesure, j'ai pu assister dans les 30 dernières années à une véritable désertification du tissu industriel français, à la disparition d'entreprises anciennes, faute de transmission familiale. En parallèle, les entreprises allemandes du secteur ont poursuivi leur route, avec ténacité et réussite.

 

Comment favoriser la transmission : cela peut se résumer en une simple phrase, en simplifiant la vie des entrepreneurs. En effet, pourquoi si peu d'entrepreneurs transmettent à leurs enfants ? parce que, de nombreux enfants voient les difficultés que leurs parents ont à surmonter en étant entrepreneurs : la complexité du code du travail, l'agressivité de l'administration fiscale, les difficultés de trésorerie causées par les grands clients et l'Etat qui règlent les factures avec des délais indécents, les seuils (plus de 10, 20, 50 salariés) qui augmentent mécaniquement les coûts et la complexité de la gestion. Par rapport à l'Allemagne et le Royaume-Uni, les entreprises françaises, italiennes et espagnoles interrogées lors d'une étude du cabinet Ernst & Young et ESCP sur les entreprises européennes d'exception, disent souffrir d’un manque de reconnaissance et d’un environnement réglementaire et culturel défavorable. Il en résulte que trop souvent, les enfants n'ont pas envie de reprendre l'entreprise des parents.

 

 

L'investissement


L'investissement est une autre clef du développement des PME et ETI. En fait, ces dernières possèdent des fonds propres bien plus faibles que les entreprises moyennes allemandes qui elles ont des ressources suffisantes pour financer en interne leur fonds de roulement et leur croissance. Les entreprises françaises sont souvent obligées d'avoir recours à des artifices couteux comme l'affacturage et le Dailly qui leur permet de garder la tête hors de l'eau mais non de dynamiser leur croissance. La meilleure décision qui a été prise récemment en France est de rendre obligatoire des délais de règlement de 60 jours au maximum. Mais cela n'empêche pas certains groupes du CAC40 de continuer de discuter le paiement des factures avec leurs fournisseurs, afin d'allonger les délais.

 

Les politiques nous rabattent les oreilles avec la nécessité de renforcer les fonds propres des entreprises mais en même temps l'on laisse faire Bâle III et Solvabilité II qui conduisent les banques et les assureurs à se retirer de l'investissement dans les entreprises : qui va les remplacer ? On se refuse toujours à envisager la création de fonds de pension qui seraient un moyen idéal d'investissement de long terme et on continue de laisser l'assurance-vie drainer une grande partie de l'épargne française. Mais cette dernière qui souscrit pour une large part aux obligations d'Etat, sert ainsi à financer le déficit de l'Etat : c'est probablement plus important que d'orienter l'épargne vers le financement des PME et ETI ! La loi TEPA a eu un effet pervers sur le capital-risque et les business angels qui ont été amenés à investir dans des projets de jeune pousse douteux pour éviter de payer l'ISF et n'a pas permis de contribuer au renforcement des fonds propres des entreprises de taille moyenne. La dernière invention qui va à contre-courant du renforcement des fonds propres des entreprises est cette obligation de verser une prime aux salariés quand les dividendes augmentent. Ce « double langage » des politiques est pour le moins extrêmement démotivant pour les entrepreneurs.

 

Les réseaux


On cite souvent la capacité que possèdent les entreprises allemandes de poursuivre des partenariats, de s'associer, de « chasser en meute » à l'international. Cela n'était pas dans les habitudes des patrons français de PME et ETI. Cela est me semble-t-il, en train de changer. Des initiatives telles que les pôles de compétitivité, les PCRD européens, les instituts Carnot contribuent à favoriser la coopération entre entreprises.

Les pôles de compétitivité sont notamment un bel exemple de coopérations multiples entre entreprises de tailles diverses, dans leur domaine et ceci sans que l'Etat intervienne directement. Les entreprises échafaudent des projets ensemble et apprennent à partager leur savoir.

Les instituts Carnot, dont on ne fait pas suffisamment la promotion, sont un autre exemple de coopération cette fois-ci entre la R&D publique – celle des universités et des écoles, et les entreprises avec la bienveillance de l'Etat qui abonde le coût des travaux à hauteur de 30%.

Les PCRD européens, Programmes-cadre pour la recherche et le développement technologique, appelés aussi Programmes-cadre ou en abrégé FP, sont des programmes de financement impliquant nécessairement des partenaires de pays différents (3 au minimum). Se lancer dans un tel programme conduit à mettre en place des partenariats avec d'autres entreprises en Europe. De nombreuses PME françaises se sont déjà lancées dans cette voie et peut-être tireront finalement plus de bénéfice du fait d'avoir amorcé des partenariats plutôt que du financement lui-même accordé par l'UE.

 

On voit que, pour se rapprocher du modèle « Mittelstand », la France a beaucoup de chemin à parcourir, le plus complexe et difficile étant l'évolution des modes de transmission et de pérennisation des entreprises. Là où l'Etat peut et doit se concentrer, c'est l'investissement ; avec la taux d'épargne actuels des français, cela ne devrait pas poser de problème si le « double langage » pouvait cesser. Je me veux optimiste, bien que les statistiques récentes montrent que les Français s'éloignent de la Bourse comme jamais. 

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16 mai 2011 1 16 /05 /mai /2011 21:44

Depuis le printemps 2003, Essilor, le numéro un mondial de l'optique des yeux, a démarré en Inde le projet Base de la Pyramide. L'objectif de ce projet est de se rapprocher des dizaines de millions d'Indiens malvoyants qui n'ont pas la possibilité d'accéder au diagnostic et aux lunettes correctrices et de leur permettre d'améliorer leur vue à un coût qui leur soit accessible. Nombre d'entre eux se contentent de louer des verres loupes à des marchands ambulants, afin de lire leur courrier.

La stratégie est particulièrement originale : il ne s'agit pas d'un projet à vocation caritative mais d'un projet structuré et organisé pour être économiquement viable malgré les prix extrêmement bas ; l'examen de la vue est gratuit et les lunettes complètes, avec verres et montures, sont vendues à partir de 2,5 € et à 6 € en moyenne (environ 350 roupies). Ces prix doivent couvrir les frais de distribution et de production.

 

Depuis 2006, plusieurs camionnettes du groupe, équipées pour l'examen de la vue, de stocks de verres et de meuleuses, sillonnent les zones rurales isolées de l'Inde, notamment dans les états du Karnataka, du Kerala et du Tamil Nadu. Les patients sont examinés sur place ou à distance, via une connexion satellite dans le cas d'un examen ophtalmologique et, si nécessaire, des lunettes correctrices sont réalisées immédiatement pour eux, à un prix abordable. 40% des patients reçus achètent des lunettes. L'examen à distance est réalisé par un médecin ophtalmologiste depuis l'un des hôpitaux « Aravind » (http://www.aravind.org) ou « Sankara Nethralaya » (http://www.sankaranethralaya.org) avec qui Essilor a noué des partenariats. Ces hôpitaux sont particulièrement experts dans le traitement des maladies des yeux et notamment de la cataracte. Commentant les débuts réussis de cette opération de « marketing rural », Xavier Fontanet, PDG d'Essilor, a déclaré en 2007 : " Ce sont nos équipes indiennes sur le terrain qui sont à l'origine de ce projet. Pour réussir, il faut partir des coûts et proposer un produit qui correspond à une vraie demande. Nous sommes parvenus à développer un modèle rentable, donc durable, en adaptant le business model local et en baissant les coûts de production en amont ".

 

C'est ainsi que plus de 250 examens de vue sont réalisés tous les jours et plus de 100 000 paires de lunettes ont été vendues depuis le début de ce projet. L'Inde, avec 1,1 milliard d'habitants, supporte la part la plus importante du fardeau de la cécité mondiale. Le pays compte 15 millions de malvoyants et 52 millions de déficients visuels, alors même que le port de lunettes pourrait prévenir de nombreux cas.

 

On admirera l'approche d'Essilor qui a su concevoir une offre combinée de service et de produits à la portée d'une clientèle réputée insolvable. La réussite est liée semble-t'il aux conditions locales en Inde : densité de population rurale élevée, main d'oeuvre bon marché et qualifiée, réseau d'hôpitaux dédiés au service des pauvres et spécialisés en ophtalmologie. On peut souhaiter que d'autres groupes internationaux soient intéressés par cette expérience et lancent des projets similaires dans leur domaine propre.

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7 mai 2011 6 07 /05 /mai /2011 15:44

Créée en 1875 à Lyon, un an après la fondation du tennis moderne par Walter Clopton Wingfield, Babolat conçoit les premiers cordages en boyaux naturels. Depuis Pierre, le fondateur, à Eric le dirigeant actuel, cinq membres de la famille se sont succédés à la direction de l'entreprise jusqu'à aujourd'hui. Numéro un mondial des cordages pour raquettes de tennis (et de badmington), Babolat lance en 1994 sa première raquette de tennis. Carlos Moya est le premier à gagner avec une raquette Babolat en 1998, à Roland Garros et devient nº1 mondial. En parallèle, en 1995, une raquette de badmington est lancée. En 2003, nouvelle étape : en association avec Michelin, grand connaisseur de la problématique des contacts avec le sol, Babolat lance une gamme de chaussures dédiées au tennis, plus particulièrement adaptées aux déplacements latéraux et diagonaux. En moins de 20 ans, la PME spécialiste des cordages s'est réinventée et a mué en une ETI (entreprise de taille intermédiaire) à forte croissance, une « gazelle » : ses ventes ont augmenté de 50% en 5 ans et elle prévoit un chiffre d'affaires de 125 millions € en 2011, dont 87% à l'export, 7 filiales et 15 000 points de ventes dans 140 pays.

 

Comment Babolat a-t'elle fait ? Marie Dumas, directrice marketing de l'entreprise, explique dans un article récent des Echos, que « Génération après génération, les PDG n'ont cessé de favoriser l'innovation, de défricher de nouvelles technologies ou de nouveaux marchés. ». A posteriori, cette belle histoire apparaît comme simple, mais il a fallu l'exécuter. Expert dans la conception d'un composant clef de la raquette : le cordage, Babolat a su développer un savoir-faire sans égal et des technologies de pointe au contact des grands champions de tennis et a acquis une connaissance intime du jeu. En s'appuyant sur cette expertise, elle a su créer de nouveaux produits sur des marchés où elle n'était pas présente : la raquette, la chaussure, plus tard les balles (en 2001). Ces produits ont pu comporter des innovations dites de « rupture » conduisant à une supériorité imposante sur les produits existants. Par exemple, la semelle adaptée aux déplacements latéraux et diagonaux sur toute surface de tennis.

Les concurrents, Nike, Reebock, Adidas et autres, qui sont des généralistes, n'ont pas vu venir le coup et n'avaient pas la technologie pour concevoir des produits incorporant des attributs similaires. De plus, ils risquaient de cannibaliser les ventes de leurs gammes existantes … C'est donc l'histoire d'un nouvel entrant spécialiste qui prend le marché aux acteurs en place, grâce à sa technologie, à sa capacité d'innovation et à sa connaissance des besoins des clients.

 

Depuis 10 ans, la stratégie de Babolat a évolué en repositionnant l'entreprise comme le spécialiste puis la marque du tennis et des autres sports de raquette. L'offre s'est élargie avec des accessoires, du textile et des bagages. Le tennis est un sport qui a le vent en poupe et se développe dans tous les pays. On peut donc penser que Babolat a plusieurs années de croissance rapide devant elle, notamment dans les pays émergents. Actuellement, sa présence est forte en Europe et en Amérique du Nord, avec des places de nº1 dans la raquette en France, Espagne, Italie et Etats-Unis. Il apparaît qu'une grande partie des efforts doivent être maintenant dirigés vers les marchés à fort potentiel, plus particulièrement les BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine).

 

Il est remarquable de constater que Babolat possède nombre des caractéristiques qui font la réussite des entreprises du Mittelstand allemand : une entreprise centenaire, développée par la même famille depuis les origines, focalisée sur une niche technique et un marché en croissance, dotée d'une technologie et d'une expertise reconnue, ouverte vers le monde entier avec de nombreuses filiales. Elle a su s'associer avec Michelin pour les chaussures, adhérant ainsi en partie au concept de « chasse en meute », souvent rencontré chez les industriels allemands.  

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30 avril 2011 6 30 /04 /avril /2011 21:22

Pour le profane, une entreprise sous LBO (leverage buy out ou achat avec effet de levier) c'est analogue à une maison ou un appartement que l'on achète en partie avec ses économies et en partie avec un emprunt bancaire. Ce mode de financement est quasiment universel dans le domaine immobilier et ne présente la plupart du temps pas de difficultés, notamment dans le cas où le bien est loué par l'acheteur, le remboursement de l'emprunt s'effectuant avec le loyer payé par le locataire. Bien sûr, tout se passe bien si les revenus du locataire sont réguliers et suffisamment élevés pour payer le loyer.

 

Dans le cas de l'entreprise et du LBO, en prolongeant l'image du bien immobilier, on peut expliquer que le propriétaire c'est-à-dire l'actionnaire, perçoit un « loyer » de la part de l'entreprise sous la forme de dividendes. L'actionnaire a pu acheter l'entreprise avec une partie financée par un emprunt, les dividendes servant au remboursement de l'emprunt et l'autre partie étant financée par ses « économies » c'est-à-dire, en langue financière, des fonds propres. Deux différences essentielles rendent le LBO plus compliqué que l'achat d'immobilier : 1) la durée des emprunts est de 5 à 7 ans soit 3 à 5 fois plus courte que dans l'immobilier, d'où des annuités de remboursement plus élevées et 2) les résultats de l'entreprise sont beaucoup plus irréguliers que es revenus du locataire du bien immobilier.

 

La « mauvaise réputation » dont souffrent les LBO's vient plutôt du fait que, dans l'inconscient populaire, il ne paraît pas normal que l'on puisse prendre possession d'une entreprise souvent importante avec une dette élevée et peu de capitaux propres. C'est pourtant comme cela que de très nombreux ménages deviennent propriétaires de leur logement ! Que pour le LBO, les intérêts de la dette soient déductibles de l'impôt sur les sociétés et non pour les achats immobiliers des particuliers, change peu les termes du processus. Un autre motif de mauvaise réputation est qu'il arrive que le versement de dividendes pour assurer le remboursement de la dette se fasse au détriment des investissements et donc du développement de l'entreprise sous LBO.

 

Comment les LBO ont-ils passé la crise ?

 

Avec une structure financière fragilisée par de la dette, les entreprises sous LBO devaient, dans l'esprit de nombreux observateurs, beaucoup souffrir pendant la crise de 2008-2009. Et pourtant, la presse n'en a pas parlé et les entreprises en difficultés qui ont fait la une des nouvelles, n'était pas sous LBO. En fait les entreprises sous LBO ont globalement bien passé la crise. Par exemple, le fonds LBO France qui gère 3,8 milliards € dans 27 entreprises, n'a eu qu'un seul dépôt de bilan, celui de la société Eryma. A cela deux explications : a) avant de mettre en place un LBO sur une société, les futurs actionnaires la sélectionnent sur ses atouts et performances dans tous les domaines commercial, gestion, gouvernance ; la trésorerie de l'entreprise est ensuite pilotée avec une grande rigueur afin de faire face aux obligations de remboursement ; b) si l'entreprise rencontre des difficultés de remboursement, les banques ont, pendant la crise, très généralement accepté simplement de renégocier le remboursement de la dette.

 

Selon une étude récente de l'ARE (Association pour le Retournement des Entreprises), 40% des LBO ont fait l'objet d'une renégociation en Europe et 51 milliards € de crédit ont été renégociés en 2009. Mais le prix à payer par les fonds a été faible : 2 à 6% de la dette a été convertie en fonds propres. Il est avéré que les banques européennes ne souhaitent pas en général devenir actionnaires via une conversion de la dette due à des difficultés de remboursement. En lieu et place, elles préfèrent rééchelonner les paiements.

 

Comment sont gérées les entreprises sous LBO ?

 

Selon Philippe Santini, PDG d'Aprovia qui a été reprise en 2002 par les fonds Carlyle, Cinven et Apax, il y a d'abord un jeu de stress à plusieurs niveaux : les managers de l'entreprise sous LBO doivent pouvoir montrer aux administrateurs du fonds que tout va bien, les fonds doivent pouvoir justifier leur investissement à leurs souscripteurs et enfin les administrateurs des fonds doivent maintenir la confiance des banques qui sont angoissées et craignent de ne pas pouvoir récupérer leur prêt. Quatre principes sont identifiés en matière de gestion d'une entreprise sous LBO : 1) l'espace temps : dès le départ de l'opération, le planning de sortie est fixé, typiquement dans 5 ans l'entreprise sera vendue et le manager sera remercié. Dans cet intervalle limité, il faut comprendre vite comment fonctionne l'entreprise et comment mettre en oeuvre une stratégie claire pour tous ; 2) l'importance des liquidités : il faut à tout prix optimiser les remontées de « cash » pour assurer le remboursement de la dette ; 3) malgré le stress, créer immédiatement un climat de confiance avec les fonds, pratiquer une transparence absolue vis-à-vis des administrateurs, dès le premier conseil d'administration ; 4) enfin arriver à faire comme si l'entreprise n'était pas sous LBO, préserver les investissements en mobilisant typiquement 20 à 25% de l'EBITDA, motiver les équipes en menant à bien les projets de développement.

Finalement, il apparaît que les entreprises sous LBO sont globalement plus performantes que les autres et créent plus de valeur. Ce qui va bien sûr à contre courant de la « mauvaise réputation » qui leur est faite. 

 

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21 avril 2011 4 21 /04 /avril /2011 14:01

Propriétaire depuis 1993 du groupe Forest-Liné, la Société Financière de Participation Industrielle (SFPI) vient d'annoncer qu'elle allait le vendre au groupe américain MAG. Ce groupe s'est récemment constitué en consolidant de nombreux fabricants américains et allemands de machines-outils tels que Cincinnati, Lamb, Cross Hüller, Ex-Cell-O, Giddings & Lewis, Hüller Hille, Fadal, Witzig & Frank, Hessapp & Boehringer. MAG emploie 3500 personnes sur 27 sites dans de nombreux pays : USA, Allemagne, Brésil, Chine, Inde, Corée, Russie, Grande-Bretagne, Suisse et Hongrie. Son chiffre d'affaires en 2008 a été de 1,65 milliards $.

 

De son côté, SFPI se présente comme un groupe industriel indépendant non coté, spécialisé dans les biens d'équipement pour l'industrie (32%) : échangeurs thermiques, stérilisateurs, machines-outils et équipements aérauliques (climatiseurs, transports pneumatiques et dépoussiéreurs), et pour le bâtiment (68%) : serrures, fermetures industrielles, avec 3800 employés dans le monde et 33% de son activité hors de France. Il contrôle ainsi NEU, MMD, Spomasz Wronki dans le domaine industriel et Securidev, Franciaflex et France Fermetures dans le bâtiment. Le chiffre d'affaires consolidé du groupe a été de 296 millions € en 2009 après 340 millions € en 2008 et en 2007.


Forest-Liné a été constitué en 1982 sous l'égide des pouvoirs publics à partir de Liné, une société fondée à Albert en Picardie au 19ème siècle et spécialisée dans les centres d’usinage de pièces de grandes dimensions dans les métaux durs, et à partir de Forest créée en 1957 à Capdenac en Midi-Pyrénées pour construire des machines d’usinage des hélices d'avions, et qui a développé la maîtrise des fraiseuses à très grande vitesse et du fraisage en 5 axes simultanés. En 2002 et 2006, Forest-Liné a racheté les sociétés du groupe Henri Liné dont une filiale au Quebec, ce qui a permis de renforcer la présence du groupe en Amérique du Nord. Forest-Liné est une ETI, entreprise de taille intermédiaire, chère à nos politiques et dont nous manquons parait-il cruellement : elle emploie 300 salariés et son chiffre d'affaires a été de 50 millions en 2010 en forte baisse par rapport à 2008.

 

Ce qui semble avoir déclenché la décision de la SFPI, est la perte d'un gros marché de machine à napper les fibres de carbone pour les pièces d'avion de l'Airbus 350. Selon Les Echos, Forest-Liné a investi 10 millions € dans le développement de cette machine dont 3 millions d'aides de l'Etat, du conseil régional et du conseil général. Airbus a préféré les machines de l'espagnol M. Torres et de Cincinnati, qui se trouve être un des fleurons de MAG ! J'observe que Cincinnati a très probablement développé ce type de machine pour le programme du Boeing 787, le Dreamliner qui fait presque totalement appel aux fibres de carbone pour sa structure. Ce développement a dû lui aussi être financé en partie par des aides de l'Etat américain. Les machines étant déjà développées et produites pour Boeing, Cincinnati n'a eu aucune difficulté pour casser les prix et remporter le marché auprès d'une entreprise (EADS) dont l'Etat français est actionnaire. Ainsi l'argent public français a servi à financer des développements sans lendemain et une entreprise semi-publique (EADS) a donné la préférence à un autre fournisseur tout en mettant en difficulté Forest-Liné que l'Etat et les collectivités soutiennent à grands frais avec l'argent des contribuables. Naturellement, pour une raison que je connais pas, ce dossier n'est pas sur l'écran radar des politiques.

 

ll apparaît aussi qu'au niveau de la pratique des affaires, il est plutôt « moyen » que MAG cherche maintenant à racheter un concurrent après qu'il ait gagné un marché stratégique dans des conditions que j'oserai qualifier de douteuse ; pour bien sûr récupérer son savoir-faire, sa technologie développée notamment avec l'argent public et de toutes façons décider de son avenir loin des rives hexagonales. Le problème avec un conglomérat comme MAG est qu'il fait passer toutes ses filiales à la moulinette financière, recherchant les synergies à tout prix, transferrant les technologies entre filiales, deshabillant l'une pour habiller l'autre aux fins d'optimiser le portefeuille.

 

En conclusion, si le FSI (le fond souverain à la française) a une quelconque utilité, il est urgent qu'il se penche rapidement sur ce dossier et prévienne la disparition d'une autre ETI. Il pourrait investir dans Forest-Liné pour le long terme : c'est le type d'actionnaire dont cette belle entreprise a besoin le plus cruellement. C'est peut-être cela la politique industrielle.

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