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25 mai 2013 6 25 /05 /mai /2013 20:15

Pour de nombreux dirigeants et politiques, le rachat de Pechiney par Alcan en 2003 et la disparition de ce groupe plus que centenaire, fleuron de l'industrie française, a été un traumatisme. Et longtemps après, on en parle encore. L'État a été blâmé pour avoir laissé filer cette entreprise « stratégique », alors 3è producteur mondial d'aluminium.

 

Fondée en 1855 sous le nom de Compagnie des Produits Chimiques d’Alais et de la Camargue par Henry Merle et Jean-Baptiste Guimet, la société s'est rapidement lancée dans la production d'aluminium qui était alors un métal plutôt précieux car très coûteux à extraire de la beauxite produite en Provence. Devenue Pechiney en 1950, la société se lance dans des diversifications et des fusions-acquisitions majeures comme celle d'Ugine Kuhlmann qui lui donnent une allure de conglomérat et la fragilisent financièrement. Après la nationalisation en 1982, on assiste à un recentrage sur l'aluminium jusqu'à la privatisation en 1995. Mais malgré sa position forte de producteur, la rentabilité du groupe est médiocre et le canadien Alcan n'en fera qu'une bouchée en 2003, la payant 4 milliards € alors qu'Alcan en vaut près de 10 fois plus. Le groupe minier Rio Tinto rachète ensuite Alcan en 2007 et Pechiney disparaît encore plus.

 

Puis RioTinto qui a avalé Alcan pour 38 milliards $, décide de se séparer de toute la branche produits usinés nommée Alcan EP qui comprend de nombreux actifs de Pechiney, la considérant comme non stratégique ; c'est en effet bien loin du métier d'exploitant de mines qui est celui de Rio Tinto ! En 2011, le fonds d'investissement Apollo pour 51% et le FSI (l'Etat français) pour 9,4%, prennent le contrôle d'Alcan EP et le renomme Constellium. Il y a 10 000 employés dont 5 000 en France et un centre de recherche de 600 personnes à Voreppe (Isère).

 

Cette affaire a été présentée comme une sorte de rachat par la France du Pechiney parti en 2003. En fait, il ne s'agit que d'un petite partie de l'ancien groupe, dépendant de fournisseurs comme Rio Tinto (ou Rusal le russe qui est maintenant nº1 mondial) pour son métal et les alliages. Dans la filière aluminium, la technologie et la recherche se situent essentiellement dans la production du métal et des alliages. L'usinage de produits est une activité aval, proche des industries et entreprises utilisatrices : aéronautique, automobile, équipements pour le bâtiment, emballage, dont la valeur ajoutée est moins importante.

Il ne s'agit donc pas du tout de la reconstitution d'un groupe d'envergure mondial, intégré et aux laboratoires de recherche puissants, tel qu'était Pechiney.

 

Bénéficiant du développement de ses clients notamment dans l'automobile haut de gamme et l'aéronautique, le situation de Constellium s'est redressée avec un chiffre d'affaires de 3,61 milliards € et un résultat net de 142 millions € en 2012 après 4 années de pertes. Cela lui a permis de s'introduire en Bourse à New York et sur Euronext Paris (uniquement pour les professionnels) le 23 mai 2013. Le FSI en a profité pour en remettre une couche, en augmentant sa part du capital à 12,5%.

 

En parallèle, Constellium poursuit ses restructurations avec la mise en vente d'usines en France, à Ham (Somme) et à Saint Florentin (Yonne), son siège social est Schiphol-Rijk (Pays-Bas). Manifestement, pour cette entreprise, bien que sa clientèle soit plutôt « haut de gamme », la question de la compétitivité des sites français se pose avec acuité. Et si rien de plus n'est fait, les sites industriels français risquent de fermer les uns après les autres, Constellium déplaçant ses centres de production là où la compétitivité est la meilleure, afin de conserver ses marchés où elle est souvent numéro 1 comme les panneaux pour l'aéronautique. Comme l'a expliqué récemment son dirigeant, Pierre Vareille, avec l'argent levé en Bourse, la cible est le marché de l'automobile américain et le développement dans l'emballage en Chine ; les investissements iront donc d'abord dans cette direction.

 

On peut se demander à quoi sert l'investissement du FSI dans ce paysage, sinon à une tentative d'empêcher ou de freiner la fermeture de sites en France ainsi qu'une sorte de revanche sur l'histoire. Simultanément, l'introduction en Bourse n'a fait l'objet d'aucune promotion vis-à-vis des épargnants français, à l'opposé du temps des privatisations. De ce point de vue là, il ne s'agit sûrement pas de la renaissance de Pechiney. Décidément, Constellium n'est pas un groupe ancré en France, c'est un groupe mondial qui vise les marchés à potentiel pour son développement.

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commentaires

L
Tout ça me rappelle la chanson de Michel sardou sur le France (en 1975), même si la rime ne colle pas bien : &quot;Ne m'appelez plus jamais Péchiney, la France, elle m'a laissé tomber...&quot;. Comme quoi le déclin ne date pas d'hier...Quand j'étais gamin, Péchiney, c'était quelque chose d'immense, symbolique et inattaquable, comme notre paquebot national.<br /> Tu as cité le nom d'Ugine Kuhlmann : il faut savoir que son fondateur, Charles-Frédéric Kuhlmann, est aussi le co-fondateur du Crédit du Nord et de l'Ecole des Arts Industriels et des Mines (EAIM, rue des Lombards à Lille), qui devint en 1872 l'Institut Industriel du Nord (IDN), puis l'Ecole Centrale de Lille, il y a 25 ans !...<br /> Petite ironie de l'histoire : depuis 1982, plus personne ne parle de Péchiney Ugine Kuhlmann, mais l'acronyme PUK est quand même revenu dans le langage courant avec les téléphones mobiles, même si ça n'a plus rien à voir.<br /> Laurent S.
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