Par bien des aspects, Eurofins est une entreprise de croissance idéale, telle qu'on en aimerait voir se multiplier dans le paysage industriel français.
Son fondateur, Gilles Martin a à son actif, la création d'Objectifs Maths avec Hervé Lecat dès sa première année à l'Ecole Centrale Paris. Cette société proposait un soutien scolaire aux élèves en difficulté par des étudiants en Grandes Ecoles. Aux Etats-Unis où il effectue un service VSNE, il travaille au sein d'une start-up qui développe des logiciels d'imagerie médicale en résonance magnétique nucléaire (RMN). A son retour en 1987, il fonde Eurofins en rachetant les droits d'un procédé d'analyse RMN des produits, découvert dans les labos de l'université de Nantes par ses parents. Ce procédé permettait de déterminer les composants avec lesquels les vins ont été fabriqués puis a été étendu aux jus de fruit et autres boissons non alcoolisées.
A partir de 1997, Eurofins a fait l'acquisition de laboratoires d'analyse, dotés de technologies et d'un savoir-faire uniques tout en s'implantant dans de nouveaux pays. Ce développement a été financé notamment par une introduction au Nouveau Marché en 1997 et au Neuer Markt en 2000, Gilles Martin et sa famille conservant le contrôle. En 2000, Eurofins avait 1000 employés, 30 laboratoires dont 2/3 en Europe et un chiffre d'affaires de 60 millions €. L'offre s'est considérablement élargie dans trois métiers : analyses alimentaires, pharmaceutiques et environnementales et sur des niches clés comme l’information génomique et l’analyse des contaminants.
Dans les années 2000, Eurofins a poursuivi une stratégie d'intégration des laboratoires, visant à améliorer sa compétitivité, tout en combinant croissance organique et acquisitions ciblées. Avec plus de 10 000 employés, 150 laboratoires dans 30 pays en Europe, en Amérique et en Asie, Eurofins a réalisé en 2011 un chiffre d'affaires consolidé de 829 millions € et un bénéfice net de 57 millions €. Le portefeuille du groupe est riche de plus de 100 000 méthodes d'analyse.
Le projet est de poursuivre la croissance en s'appuyant sur ce portefeuille, en l'élargissant, sur l’accroissement des ventes croisées entre laboratoires à l’intérieur du groupe et sur l'ouverture de nouveaux laboratoires en Chine et en Asie. Le groupe souhaite devenir le numéro un mondial des services bio-analytiques.
Le déménagement du siège à Luxembourg
Le 2 mai 2007, la société holding du groupe Eurofins Scientific dont le siège est à Nantes, s'est transformée de société anonyme en société européenne. Le groupe est déjà organisé en sociétés holding par branche d'activité, avec siège au Luxembourg. Lors de l'assemblée générale des actionnaires du 11 janvier 2012, une majorité de près de 85% s'est prononcée pour le transfert du siège à Luxembourg. Un seul actionnaire minoritaire ayant demandé le rachat de 316 actions à 63 €, le conseil d'administration du 2 mars 2012 a donné le feu vert à l'opération.
Pourquoi ce déménagement ? Le groupe souhaite tranquilliser tout le monde en indiquant que les laboratoires situés à Nantes qui emploient plus de 500 personnes, vont y rester et que Nantes reste le siège des activités françaises. Eurofins reste cotée sur le marché boursier de Paris. Le communiqué de la société du 17 janvier 2012, souligne que les objectifs sont de renforcer l'intégration juridique et financière du Groupe et d'améliorer son organisation et sa compétitivité. Selon Les Echos, Gilles Martin aurait déclaré que le déménagement est prévu parce que « le centre de gravité économique du groupe s'est déplacé progressivement vers l'Europe du Nord. » Ce que dit Gilles Martin est bien sûr vrai avec des ventes 2011 réparties entre France : 18%, Allemagne : 21%, Europe du Nord : 18%, Benelux : 9% et UK+ Irlande : 6% du total. Il ne serait pas « motivé par des raisons fiscales ou de droit des sociétés plus favorables aux actionnaires majoritaires au Luxembourg. » En fait, l'intégration des holdings de branches d'activité avec la holding de tête dans le même pays, permet sûrement de simplifier les obligations de l'ensemble vis à vis des services fiscaux. Déjà au départ, Eurofins a choisi de longue date d'établir ses holdings de branche à Luxembourg, visant une réduction des coûts administratifs et juridiques. La cerise sur le gâteau sera une diminution des charges patronales pour les employés du siège et une réduction du taux de TVA ; mais ce sont a priori des économies marginales. Ce transfert permet au groupe de s'affranchir de l'instabilité fiscale qui est une maladie française chronique, avec des instructions de plusieurs centaines de pages chaque fois qu'une nouvelle mesure est mise en place par les technocrates de Bercy, qu'il est vraiment très coûteux de maîtriser quand on est une ETI de forte croissance comme Eurofins.
Eurofins est assurément un petit groupe comparé aux mastodontes du CAC40, mais je suis prêt à parier que cela va donner des idées aux grands groupes, surtout lorsque les candidats à la présidentielle annoncent qu'un impôt sur le chiffre d'affaires sera institué. Et il faudra envisager le doublement de l'autoroute Metz – Luxembourg pour permettre aux français d'aller travailler là-bas chaque jour sans difficulté.