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31 décembre 2012 1 31 /12 /décembre /2012 17:01

L'industrie française du logiciel se porte bien, parait-il : selon Ernst & Young, le chiffre d'affaires global des 408 éditeurs qui composent son récent panorama a progressé de 5,9 milliards € en 2009, à 6,7 milliards en 2010 et 7,4 milliards en 2011, soit une croissance de 13,5% puis de 10,4% par an. En deux ans, les effectifs ont augmenté de 15%.

 

Arbitrairement, les éditeurs de jeux video sont inclus dans ce panorama ; si ils sont exclus, ce qui est très généralement le cas dans les études de marché, les ventes du secteur sont ramenées à 5,0 milliards en 2009, 5,55 en 2010 et 6,2 en 2011.

 

En fait, Ernst & Young se place avec ce panorama, en concurrence avec un vieux routier de l'étude du secteur : Truffle Capital qui publie chaque année depuis 2005 un palmarès des 100 premiers éditeurs français et depuis 2006, celui des 100 premiers éditeurs européens. Il serait souhaitable d'ailleurs que Truffle songe à éditer celui des 100 premiers éditeurs mondiaux ! Cela ramènerait les choses dans une perspective bien plus réaliste : les logiciels sont des produits désormais facilement achetés et quasiment instantanément livrables via Internet ; en version SAAS (software as a service), ils ne sont même plus livrés mais utilisés en tant que service. Les transactions concernant les logiciels n'ont plus de frontières.

De plus l'industrie européenne du logiciel est face à de formidables compétiteurs qu'il importe de considérer : les ventes totales de logiciel des 100 premiers européens qui se montent à 37,2 milliards € sont inférieures à la somme des ventes de logiciel d'IBM ($25 Md ou 20 Md€) et d'Oracle ($26 Md ou 21 Md€). 

On notera que l'Allemagne pèse la moitié de l'industrie européenne grâce à SAP qui avec 14 Md€ en constitue 1/3.

IndieEU logiciel Truffle100

 

La clef de la croissance en édition de logiciels

 

Naturellement, ce qui différenciera un éditeur d'un autre, sera souvent sa capacité à fournir un support personnalisé aux clients et aux utilisateurs dans telle ou telle région du globe. Et c'est là vraiment la clef du développement d'une entreprise éditrice de logiciel : la croissance des éditeurs provient d'abord de leur présence dans le plus grand nombre de pays.

C'est ainsi que Dassault Systèmes qui est le leader français avec un chiffre d'affaires de 1 783 millions € (soit 30% de l'ensemble des éditeurs français !), est présent dans 35 pays et réalise 88% de son activité hors de France.

De même, le numéro 2, Murex qui est un leader mondial dans le domaine des logiciels de « trading » et de la gestion de trésorerie des entreprises, ne réalise en France que 5% sur des ventes totales de 318 millions € …

A contrario, les PME éditrices de logiciel ont 80% de leur activité en France.

Sur ce point, Ernst & Young se trompe totalement en prétendant que la R&D et le crédit impôt-recherche (CIR) qualifié de moyen de financement, sont les clés de la croissance des éditeurs. En particulier, si les plus petites sociétés consacrent 20% de leur chiffre d'affaires à la R&D, cela signifie simplement qu'adressant généralement un marché restreint, elle ne peuvent supporter leur R&D (nécessaire pour maintenir leur compétitivité face aux plus gros acteurs) qu'avec des ventes au potentiel limité par la taille de ce marché. Le crédit impôt-recherche a ceci de pervers qu'il rend la R&D relativement moins coûteuse à l'entreprise que d'autres activités stratégiques comme le développement commercial international et le support des clients localisés dans les autres pays à potentiel. 

Le discours récurrent des politiques et des responsables de lobbies comme Croissance Plus ou Syntec Editeurs en faveur de l'innovation (technologique) est absolument étonnant. A cela s'ajoute un concert de louanges en faveur d'un hypothétique Small Business Act, du statut de jeune entreprise innovante (JEI) et du CIR. Il n'est jamais question de développer la puissance commerciale, la présence sur les marchés les plus importants, le support des clients dans le Monde entier, ce qui a pourtant un impact bien plus fort sur la croissance de l'entreprise, sa capacité de résister à la concurrence et au passage sur l'équilibre de la balance commerciale du pays.

 

A quand le crédit impôt-prospection ?

 

Certains d'entre vous, chers lecteurs, êtes sans doute familiarisés avec l'« assurance prospection » proposée par la Coface, filiale de Natexis Banque Populaire. Il s'agit en fait d'une aide remboursable à la prospection commerciale sur les marchés étrangers, très similaire à l'aide remboursable à la R&D proposée par OSEO (ex-ANVAR). Ce programme de la Coface finance en partie le développement commercial dans certains pays, ce financement étant remboursé (sans intérêt) en proportion des ventes réalisées dans ces mêmes pays.

Dans la même ligne que les aides publiques aux entreprises et dans cet environnement délirant et typiquement français des crédits d'impôt, on peut imaginer qu'un crédit d'impôt-prospection soit mis en place qui rembourse en partie les frais de prospection des entreprises exportatrices, comme le crédit d'impôt-recherche (CIR) rembourse en partie les frais de R&D et le nouveau crédit d'impôt-compétitivité-emploi rembourse en partie le fait d'employer des salariés jusqu'à 2,5 fois le SMIC !

 

J'espère que cette proposition vous fera sourire mais je suis convaincu qu'elle serait bien plus efficace pour la croissance de notre économie qu'une enième amélioration du crédit d'impôt-recherche et autre statut de jeune entreprise innovante (JEI).

 

 

 

 

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commentaires

S
blog trés informative; la présentation est simple et claire.
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P
Hauteur de vue et esprit critique sur la fiscalité qui doperait ou corrigerait les marchés des défaillances comme la R&D et le CIR et autres dispositifs.<br /> <br /> cordialement
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