Ce qui est incontestable, c'est que les prix de l'immobilier ancien ont augmenté globalement d'environ 100% en 15 ans en France. De nombreux observateurs en concluent qu'il existe une bulle immobilière, qu'elle va éclater ou se dégonfler comme cela s'est produit récemment ailleurs aux Etats-Unis et en Espagne ...
Mais qu'est-ce qu'une bulle ? Selon Joseph Stiglitz, prix Nobel d'économie, "Une bulle est un état du marché dans lequel la seule raison pour laquelle le prix est élevé aujourd’hui est que les investisseurs pensent que le prix de vente sera encore plus élevé demain, alors que les facteurs fondamentaux ne semblent pas justifier un tel prix."
Qu'entend-on par facteurs fondamentaux ? L'indice des prix à la consommation, les taux d'intérêt, le revenu disponible par ménage, l'offre et la demande de logements,...
Plusieurs experts dont l'économiste Jacques Friggit et le cabinet d'études PrimeView, comparent l'évolution des prix avec le revenu disponible par ménage. Comme le montre le diagramme ci-dessous, de 1965 à 2000, les prix de l'immobilier (courbe noire) ont été relativement stables par rapport à ce paramètre : ils ont varié dans un « tunnel » compris entre 0,9 et 1,1 fois le ratio prix/revenu de 1965 pris comme comme base de référence.
Ces mêmes experts en concluent que la disproportion entre prix et revenu disponible par ménage est devenue telle que la bulle ainsi formée ne peut que disparaître. Ils prétendent que les prix baissent actuellement partout, même à Paris. PrimeView ajoute même que le point bas des prix immobiliers sera atteint dans sept à dix ans, à raison d'une baisse de 7% par an !
Est-ce bien crédible ? Je suis tenté de penser que la stabilité remarquable des prix entre 1965 et 2000 constitue en réalité une exception et non la norme. Personne ne se pose la question de savoir pourquoi les prix ont été si stables alors que l'on nous a toujours soutenu qu'il y avait une crise du logement. Une telle stabilité ne conduit-elle pas plutôt à affirmer que l'offre et la demande ont été quasiment équilibrées pendant cette période ; la prétendue crise du logement n'appartiendrait qu'à l'imaginaire politique. Le marché immobilier est certes très perturbé par de nombreuses influences : succession de régimes fiscaux particuliers, le dernier en date étant le Scellier, logement social, loyer de 48. Mais malgré tout, c'est l'offre et la demande qui au final, doivent faire en sorte que les prix évoluent. C'est pourquoi cette analyse des experts fondée sur le revenu disponible apparaît contestable et que leurs prédictions ne se réalisent pas.
Comment prévoir l'évolution des prix de l'immobilier ?
Sur le diagramme ci-dessus, on observe clairement que l'évolution du niveau des prix suit celle du montant global des ventes (courbe verte). Ainsi entre 1986 et 1990, les ventes ont augmenté avec environ deux ans d'avance sur les prix et le pic des ventes atteint en milieu de 1990 a précédé d'un an le pic des prix! Il suffirait donc de surveiller les variations du montant global des ventes pour prédire celles des prix !
Des données, semble t'il peu exploitées, fournissent l'information mensuelle sur le montant global des ventes au niveau de chaque département : il s'agit de l'assiette des droits de mutation que l'on peut obtenir sur le site www.cgedd.developpement-durable.gouv.fr. Afin d'évaluer également les revenus tirés par les départements de cet impôt très rentable de nos jours que sont les droits de mutation, j'ai calculé le montant total des droits pour le 75 (Paris) et le 69 (Rhône, département + communes), deux départements très comparables en termes de nombre d'habitants (respectivement 2 233 818 et 1 708 671) (Le montant des droits est en première approximation proportionnel au montant global des ventes).
Année
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Paris (75) - millions € |
Rhône (69) - millions € |
2000 2005 2007 2008 2009 2010 juillet 2010-juin 2011 2011 juillet 2011-juin 2012 |
551 952 1 060 962 753 1 042 1 110 1 180 1 347 |
134 246 296 273 219 305 336 358 362 |
On observe d'abord que Paris tire des droits de mutation environ 4 fois plus de revenu que le Rhône et les communes qui le composent et que la baisse observée en 2009 a été bien vite comblée en 2010.
De plus, au lieu de cesser de croître, les ventes continuent de monter, y compris en prenant les douze mois se terminant en juin 2012 – les dernières statistiques connues. Comme nous sommes loin d'avoir atteint le pic des ventes, que cela soit dans le Rhône ou à Paris, en suivant notre raisonnement prédictif, on n'est pas prêt de voir les prix baisser.
Alors où est la bulle ?