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27 mars 2017 1 27 /03 /mars /2017 22:05

L'Institut National de la Propriété Industrielle (INPI) vient de publier son "palmarès" des déposants de brevets français pour 2016. Très naturellement, ce palmarès est un outil de communication et de promotion pour cet établissement public, dont le logiciel repose sur le principe que la propriété industrielle et la politique d'innovation doivent être alignés par les entreprises comme par les organismes de recherche.

Toute la sphère publique, et notamment la BPI mettent en avant le même logiciel. Ainsi, lorsque l'on répond à un appel à projets innovants visant à obtenir des financements publics, il est important d'inclure dans le dossier un plan de dépôt de brevets. Sinon, on est quasi certain de ne pas être retenu par le jury.

 

En préambule de son palmarès, l'INPI décerne des lauriers aux premiers du classement en précisant qu'ils représentent les "secteurs industriels où la France est en pointe".

On sera peut-être tenté d'en déduire que les autres secteurs, peu représentés, ne sont pas en pointe et que ne sont pas innovantes, les entreprises absentes du classement alors que leurs confrères et concurrents y sont bien présents. On remarquera que la présence dans le palmarès desdits secteurs et entreprises est récurrente année après année. Mais dans la réalité, la politique de brevets des entreprises ne se traduit pas nécessairement par une réussite plus ou moins accentuée. Ainsi depuis plus de 10 ans, sur un marché automobile où l'innovation est un facteur majeur, PSA a été en tête du palmarès — sauf en 2016, et  a déposé près de deux fois plus de brevets que Renault, alors que cette dernière a rattrapé et dépassé PSA en termes de chiffre d'affaires et encore plus en profitabilité.

Dans le secteur très technologique des cartes à puces, Oberthur apparait à la 20ème place alors que le leader mondial Gemalto, n'est pas présent dans le Top50, avec un chiffre d'affaires près de 4 fois plus élevé que son concurrent. Dans le domaine pharmaceutique, où pourtant les brevets ont une grande importance, réputé par ses investissements en R&D, aucune société n'apparait dans le palmarès.

 

 

Plusieurs facteurs entrent en jeu dans une stratégie de dépôts de brevets

 

- déposer un brevet conduit l'entreprise à communiquer sur une activité de recherche dans un domaine déterminé ; les concurrents sont alors informés sur les centres d'intérêt et les axes de sa recherche. Par défaut, les concurrents peuvent en déduire que d'autres domaines où il n'y a pas de publication de brevets, ne sont couverts par les recherches en cours.

 

- déposer des brevets plus ou moins solides mais en grand nombre, permet de bâtir une sorte de mur de protection pour un produit dont le brevet initial est en train de tomber dans le domaine public. C'est une stratégie fréquemment utilisée dans le domaine pharmaceutique pour protéger une formule médicamenteuse ancienne.

 

déposer des brevets dans un secteur très concurrentiel est une décision chargée de risques, surtout si des concurrents plus gros que vous sont prêts à en découdre et à attaquer vos brevets ; on considère que la défense d'un brevet coûte typiquement $1 million. C'est bien sûr hors de portée d'une start-up ou d'une PME, c'est une affaire pour les grandes entreprises. En témoignent les procès récents entre des géants comme Apple et Samsung

 

- démarrer une activité ou une entreprise en s'appuyant sur des brevets dont un organisme de recherche sera heureux de vous accorder la licence, est une opération à lancer avec beaucoup de précautions : si ces brevets sont attaqués, l'organisme de recherche n'aura jamais les ressources pour les défendre et vous serez laissé à vous-même pour en assurer la défense.

 

 

Comment analyser la stratégie de Valeo ?

 

Entre 2012 et 2016, Valeo a pratiquement triplé le nombre des brevets déposés chaque année, en venant à devenir le leader du palmarès 2016 passant de 393 à 994 dépôts. La croissance du chiffre d'affaires de la société a été très dynamique pendant ces dernières années, passant de 7,5 milliards € en 2009 à 16,5 milliards en 2016 et visant maintenant 27 milliards en 2021.

Mon sentiment est que Valeo construit un mur de protection dans les domaines où elle vise le leadership mondial : la voiture électrique, la voiture autonome et connectée et les nouveaux services numériques. On constate que les autres équipementiers automobiles sont distancés dans le palmarès : Bosch au 12ème rang, Continental au 17è, Plastic Omnium au 25è ... mais la concurrence est sévère.

Valeo investit chaque année 10% de son chiffre d'affaires en R&D et cela semble être la bonne formule pour croître de 10% par an ... Et il est assez évident que la stratégie brevets de Valéo est cohérente avec sa stratégie de croissance mondiale qui recherche la clientèle de tous les constructeurs automobiles, dans tous les pays.

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