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27 février 2014 4 27 /02 /février /2014 22:21

Tranquillement et méthodiquement avec détermination, Carmat avance vers son but : développer, produire et commercialiser une prothèse du coeur fiable et autonome, qui puisse sauver les patients atteints d'insuffisance cardiaque avancée.

Le 18 décembre 2013, le premier coeur artificiel Carmat a été implanté sur un patient de 76 ans à l'hôpital Georges Pompidou, à Paris. Aux dernières nouvelles selon l'hôpital, le 19 février, soit 60 jours après l'opération, le patient est dans un état satisfaisant, s'alimente normalement et n'a plus besoin d'une assistance opératoire continue ; depuis le 10 janvier, il ne prend plus de traitement anticoagulant. "L'évolution a pu paraître longue et difficile mais a été, en bien des points, peu différente de celle d'un malade du même âge et de même gravité pré-opératoire", ajoute l'hôpital.

 

Jusqu'à présent, la seule solution pour ces patients était la greffe cardiaque. Selon Carmat, il y a une grande pénurie de greffons et seuls 5 à 7% des patients ayant besoin d'une transplantation peuvent bénéficier d'une greffe soit 4 000 patients dans le Monde. D'après la société, entre 100.000 et 120.000 malades pourraient potentiellement bénéficier de la technologie de Carmat en Amérique du Nord et en Europe, pour un marché mondial évalué à environ 16 milliards d'euros ; la commercialisation pourrait démarrer dans deux à cinq ans.

Le potentiel pour le coeur de Carmat serait donc immense.

 

15 ans de développement 

 

Depuis 1988, le professeur Alain Carpentier mène ses travaux, dépose des brevets et intéresse d'autres chercheurs en vue de réaliser une prothèse de coeur complète. En 1993, Jean-Luc Lagardère, fondateur et dirigeant de Matra, s'associe au projet dans le GIE Carmat et y apporte les ressources de ses équipes d'ingénieurs en aéronautique qui vont mettre en oeuvre tout un ensemble de technologies. De 1995 à 2008, une équipe de 12 personnes aux expertises complémentaires développe une succession de prototypes de plus en plus optimisés, plus légers, plus compacts et plus compatibles avec l'être humain, avec une régulation physiologique autonome. Tout est embarqué, il répond comme le coeur humain aux situations pathologiques. Son diagramme est reconnu par un cardiologue comme celui d'un coeur humain. Il est conçu pour battre 230 millions de fois soit environ 5 ans. 15 millions € sont investis au sein du laboratoire d’étude des greffes et prothèses cardiaques de l’Université Paris VI et à l’Hôpital Georges Pompidou.

 

La société Carmat est enfin créée en 2008, par les associés Matra Défense du groupe EADS – devenu Airbus, le professeur Carpentier et sa Fondation, le fonds Truffle Capital qui investit 5 millions € et le Centre chirurgical Marie Lannelongue. En 2009, Oseo fournit à Carmat une avance remboursable exceptionnelle de 33 millions €, autorisée par la Commission européenne.

Carmat est introduite avec succès en Bourse sur Alternext le 13 juillet 2010, au prix de 18,75 € par action. Le titre s'est envolé à l'introduction jusqu'à 22,10 €, la capitalisation atteignant 84 millions €. Cette introduction a permis de lever 16 millions € auprès d'institutionnels et de particuliers.

En juillet 2011, Carmat lance une augmentation de capital qui lui permet de lever 29,3 millions € afin de poursuivre les essais cliniques, d'accélérer le développement des parties externes de la prothèse, notamment des piles à combustible en remplacement des lithium-ion initiales (5h d'autonomie) et de mettre en place l'outil industriel.

 

Des partenariats sont noués avec

  • Edwards Lifesciences, leader mondial des valves cardiaques biologiques,

  • Paxitech, société issue du CEA, pour réaliser une pile à combustible portée qui ne présentera pas les problèmes de stockage de l’hydrogène, procurera une autonomie de 12h et ne pèsera que 3kg,

  • Amesys, filiale du groupe Bull, pour réaliser un équipement portable qui permettra au patient une mobilité satisfaisante dans sa vie de tous les jours

 

Les perspectives d'avenir

Avec le succès de la première implantation, deux phases successives d'essais cliniques sont prévues avec d'abord 3 nouveaux patients avec pour critère la survie à 30 jours, puis une vingtaine de patients. L'objectif est le marquage CE qui ouvrirait la voie à la commercialisation.

 

Carmat a déjà annoncé que son coeur serait vendu 150 000 €. A cela s'ajoute le coût de l'implantation d'environ 260 000 € (comme pour une transplantation) et du suivi. Mais il y aurait grâce à l'absence d'un traitement anti-rejet, une économie de 20 000 € par an par rapport à la greffe du coeur. Cependant, à ce niveau de prix, seul un nombre limité de pays pourra se permettre de mettre en oeuvre l'implantation du coeur Carmat.

Ce qu'on peut espérer, c'est que l'industrialisation, la miniaturisation et la baisse des coûts des technologies utilisées permettront de réduire rapidement le coût de la prothèse. Carmat est actuellement très discrète sur ce type de perspective. L'évocation d'un marché potentiel de 16 milliards € lors de l'introduction en Bourse, est une peu surréaliste (150 000 € x 106 000 patients) car on ne voit pas qui pourrait financer (patient ou système d'assurance maladie) un tel montant pour un nombre finalement limité de patients. D'autres évaluations de marché ont été évoquées : 3 milliards € et même 500 millions € si le coeur Carmat est seulement réservé aux malades en attente de transplantation.

 

Actuellement, Carmat " brûle " environ 20 millions € par an, sans aucun revenu autre que les subventions de la BPI et le crédit impôt recherche. Fin 2013, il y avait une trésorerie de 16,9 M€.

On voit donc que Carmat doit chaque année rechercher de nouveaux financements importants, avec une perspective de commercialisation à un horizon incertain : 2015, 2016, … ? On voit là un point faible majeur du financement des jeunes pouces en France : la force de frappe limitée des investisseurs, fonds d'investissement ou particuliers.

Le fait que la BPI, Oseo et autres acteurs étatiques s'impliquent de plus, avec des moyens insuffisants, ne favorise pas l'arrivée d'investisseurs étrangers, notamment américains.

On a nettement l'impression que l'on reste entre soi. En 2013, des accords de coopération clinique ont été conclus avec quatre centres de chirurgie cardiaque de renom en Belgique, en Pologne, en Slovénie et en Arabie Saoudite. Pas trace d'accord avec les Etats-Unis qui pourtant auraient certainement des moyens considérables pour lancer la commercialisation.

 

De nombreux actionnaires individuels – ils détiennent 28% du capital, font confiance à Carmat. Je leur souhaite de ne pas être déçus à terme.

Pour l'instant, ceux qui ont souscrit lors de l'introduction en Bourse ont vu leur investissement multiplié par 6, le cours de Carmat oscillant actuellement entre 100 et 130 €. On peut se demander combien de temps Airbus va t'elle accompagner Carmat ? Quelle solution envisager pour assurer l'avenir de l'entreprise ? Peut-être qu'un investisseur d'un pays du Golfe va survenir et jouer le chevalier blanc.

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