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25 décembre 2013 3 25 /12 /décembre /2013 21:22

Depuis 15 ans, l'industrie pharmaceutique se transforme en France : peu à peu, les grands groupes pharmaceutiques cèdent leurs usines à de nouveaux acteurs spécialisés dans la production, des sous-traitants que l'on appelle des façonniers. Selon une étude de Xerfi, le marché français du façonnage a été multiplié par six en 15 ans.

Les groupes pharmaceutiques soutiennent officiellement que la production n'est pas pour eux un domaine stratégique et qu'ils préfèrent se concentrer sur la recherche, le développement et le marketing de leurs produits ; en réalité, ils orientent aussi de plus en plus leur production vers les pays émergents et leurs efforts de développement vers les vaccins et la bio-production et, phénomène moins reconnu, ils abandonnent les investissements de production en France alors qu'ils continuent à investir dans les autres pays d'Europe.

 

Les groupes pharmaceutiques sont certes confrontés à la concurrence toujours plus forte des génériques pour leurs produits matures, d'où une baisse de volume de production sur de nombreux sites. En parallèle, l'efficacité de leur recherche et développement tend à diminuer ; toujours plus d'investissements sont nécessaires sans que cela se concrétise par la sortie d'un nombre croissant de nouveaux médicaments vraiment innovants, des « blockbusters », avec un potentiel de vente de plusieurs milliards d'euros. Selon une étude récente de Deloitte et Thomson Reuters sur l'innovation pharmaceutique, les grands laboratoires projettent un taux de retour d'investissement en baisse pour leurs produits en développement ; ce taux aurait été réduit de 10,5% en 2010 à 4,8% en 2013. On constate ainsi un effet de ciseau entre potentiel de chiffre d'affaires en baisse et coûts de développement en hausse.

 

Fareva, leader des façonniers

 

Face à des groupes pharmaceutiques qui s'efforcent de préserver leur avenir par de multiples moyens, notamment en réduisant leurs investissements en production, les façonniers ont pris une place majeure, en reprenant aux groupes leurs sites industriels en difficulté. Le leader en France est Fareva, un groupe détenu par Bernard Fraisse qui l'a fondé à 28 ans en 1985 avec son frére Jean-Pierre, à St Félicien en pleine campagne ardèchoise, non loin d'Annonay et de Tournon. Depuis ses débuts, la société s'est focalisée sur la formulation, la fabrication et le conditionnement pour le compte d'autres groupes, d'abord dans les produits ménagers industriels, puis dans les cosmétiques à partir de 1995, les produits pharmaceutiques à partir de 2002 et enfin alimentaires à partir de 2008. Fareva est présente dans 10 pays avec 31 sites, en France, Allemagne, Royaume-Uni, Suisse, Ukraine, Russie, Turquie, Italie, Brésil et aux Etats-Unis ; son chiffre d'affaires qui est passé de 8,4 millions € en 1991 à 100 millions € en 2000, a atteint 1,075 milliards € en 2012 avec 7 500 employés, l'activité pharmaceutique représentant près de 50% du total.

L'avantage principal du façonnier est de pouvoir faire travailler un même site industriel pour plusieurs clients, avec l'engagement initial du cédant de lui confier la sous-traitance des produits déjà traités par le site.

Mais en plus, Fareva, tout en sachant démarcher d'autres clients pour ses capacités de production, investit chaque année 45 millions € en équipement et développe de nouveaux conditionnements dans ses laboratoires de R&D.

 

Les façonniers au service des start-ups

 

La capacité de production et de conditionnement des façonniers se met également au service des start-ups ; cela permet à ces dernières de se concentrer sur le développement de leur produit et, en cas de succès, de pouvoir démarrer la production sans investissement majeur.

C'est ainsi que Fareva collabore avec la start-up Keocyt qui développe des anticancéreux ; et la jeune entreprise Maia Woundcare, qui a inventé un pansement dynamique qui stimule les cellules responsables de la cicatrisation, sous-traite également sa production à Fareva.

 

On constate que, comme dans la plupart des industries notamment l'automobile et l'électronique, la sous-traitance des façonniers joue un rôle essentiel dans la flexibilité et la capacité d'adaptation de l'industrie pharmaceutique. Les grands groupes qui étaient jusqu'à présent très intégrés verticalement, libèrent ainsi plus de ressources pour les produits d'avenir, tout en poursuivant avec les façonniers, la fabrication des produits matures dans de bonnes conditions de compétitivité.

Le premier groupe mondial Pfizer qui a confié aux façonniers 30% de sa production, semble montrer la voie.

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